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Au point de vue purement empirique, il semble qu’il suffirait de faire prononcer devant le phonographe, et enregistrer par cet instrument, tous les mots par une personne déterminée, dont on retrouverait ensuite à volonté la prononciation sur un rouleau correspondant. Mais il est clair qu’il serait alors nécessaire de constituer un nombre très considérable de ces rouleaux, dont la collection représenterait la prononciation de cet individu déterminé ; puis on constituerait un certain nombre de ces collections, pour les individus de chaque nation, et de chaque province. A la vérité, un tel travail, quoique réalisable, serait énorme ; les comparaisons, pénibles, et sujettes à contestation.

Mais voici des objections plus graves à cette manière de procéder. En premier lieu, l’inscription phonographique ne reproduit pas avec une exactitude absolue la voix individuelle ; et la reproduction de celle-ci offre souvent, surtout si le ton est peu élevé, un caractère nasillard.

Ce qui est plus grave, c’est que les tracés sont obtenus sur cire et que la cire n’offre pas la rigidité des caractères métalliques de l’imprimerie. Il est plus que douteux que cette matière molle et altérable puisse échapper à des déformations lentes, dues aux changemens mécaniques et chimiques de sa constitution . Nous n’avons donc pas là un artifice certain pour la conservation permanente, même empirique, du phonétisme.

Pour aller au fond du problème, rappelons que le tracé du phonographe, imprimé sur cire, est susceptible d’être représenté par le mouvement d’un point ou petite masse vibrante dans l’espace. Cela résulte à la fois de la reproduction réciproque de la voix enregistrée préalablement par cet instrument, et de la transmission téléphonique de la voix. Or, je le répète, les sons enregistrés offrent une diversité et une complexité comparables à celles des couleurs. Leur multitude est illimitée. Pour arriver à définir complètement les sons, il serait nécessaire que l’on pût soumettre les tracés du phonographe à une étude physique et analytique, aussi approfondie que celles qu’on sait exécuter pour les couleurs.

A cet égard, la reproduction des sons et l’étude de leurs tracés phonographiques ou phototéléphoniques peuvent être envisagées comme susceptibles de deux degrés de perfection, de même que la photographie des couleurs.