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Ils proclament « l’Etat, gardien de l’orthographe, » et lui demandent de la fixer, en en maintenant l’obligation absolue.

« La Commission décide ; » il s’agit d’une commission instituée au ministère de l’Instruction publique pour tous les problèmes de la langue écrite. Elle prétend donc, non sans quelque incohérence, et dans un complet oubli de son rôle purement consultatif, disposer de la langue comme d’un domaine réservé à son pouvoir législatif. Après avoir fait déclarer par ses organes « quelle offre toutes les garanties désirables, » — sans plus s’occuper de l’opinion du public et des écrivains et littérateurs, qui sont les gens les plus compétens en pareille matière, — car ce sont eux qui font et modifient la langue par l’usage, — la Commission arrête que l’orthographe, telle qu’elle l’a réformée, sera désormais seule enseignée dans les écoles de l’Etat ; son obligation devant devenir absolue au bout d’un certain nombre d’années pour toutes les autres écoles. La Commission ajoute que la prononciation officielle sera établie d’après un dictionnaire dressé au nom de l’Etat, lequel deviendra la norme, et fournira la liste des mots modifiés.

Dès à présent, « les graphies non acceptées par la Commission sont déclarées incorrectes. » Avant même d’avoir constitué un système de réforme entièrement logique, on déclare qu’il faut « briser la routine. »

Néanmoins, l’orthographe usuelle continuerait à être tolérée, d’une façon transitoire, pendant quelques années, « jusqu’à ce qu’il y ait une génération instruite d’après la nouvelle méthode. »

Quant au désordre occasionné dans l’enseignement et dans la correction des compositions écrites, par la coexistence temporaire des deux systèmes d’orthographe, le rapporteur ne s’y arrête pas, se bornant à dire : « Dans quelque temps, personne n’y pensera plus. »

Je ne sais ; mais il convient d’arrêter un moment l’attention sur la proposition. Insistons encore sur la singulière inconséquence qu’il y a ici au point de vue moral. En même temps que les réformistes blâment la méthode suivie jusqu’ici, parce qu’elle impose aux examens une orthographe déterminée et déjà connue par un usage général, ils réclament l’application de la même méthode au profit de leurs propositions de réforme, jusqu’ici individuelles et inusitées.