Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 37.djvu/762

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le danger de cette méthode serait d’autant plus grand, qu’elle amènerait, par une conséquence inévitable, quoique négligée ou inaperçue par les promoteurs, l’intervention des ambitions et des suggestions, collectives ou personnelles. En effet, le Conseil supérieur de l’Instruction publique est, comme toute corporation, enclin à augmenter son rôle et son autorité, dès qu’on lui donne des ouvertures nouvelles. La même observation s’applique aux ministres. Quelles qu’aient été la prudence et la modération de la plupart de ceux qui ont dirigé l’Instruction publique de notre temps, et la réserve du ministre actuel en particulier, d’autres peuvent venir, plus ardens, animés de vues politiques spéciales, et désireux d’attacher leur nom à de grandes réformes accomplies dans un domaine jusqu’ici réservé. Ces nouveaux pouvoirs attribués au Conseil et aux ministres seraient une menace pour la permanence de figure et d’autorité mondiale de la langue française.

Ici se présentent ce que j’ai appelé les objections extrinsèques. Il s’agit des résistances que rencontrera un pareil système de transformation de la langue, dans les usages, dans les intérêts, dans la légalité. Les réformistes ne se sont guère arrêtés à ces conséquences inaperçues. Ecartant les objections par voie de prétérition, comme dans une plaidoirie d’avocat, ils ont pensé à tourner la difficulté par un procédé oblique, qu’il importe de mettre en pleine évidence.

Il ne suffit pas, en effet, d’un simple arrêté du ministre de l’Instruction publique, pour imposer à tout le monde la nouvelle orthographe. Un tel arrêté n’offre pas une autorité légale suffisante, ni au point de vue de l’état civil, ni au point de vue des autres départemens ministériels , ni au point de vue des auteurs, éditeurs, imprimeurs des livres classiques et autres, et des journaux.

Au point de vue de l’état civil, une transformation notable de l’orthographe impliquerait toute sorte de difficultés relatives au passé, au présent et à l’avenir : notamment pour les actes de la vie courante, mariages, héritages, transactions, et peut-être même pour les formalités et diplômes résultant des examens et des concours. Je n’insiste pas sur l’orthographe des noms propres : question capitale et parallèle que la réforme soulèverait bon gré, mal gré ; car une réforme analogue a eu cette conséquence de les modifier dans les langues étrangères. Or, il serait