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Ce n’est pas que notre langue, pas plus que celle des autres grands peuples civilisés, représente un type homogène, exempt de toute critique. Toute langue parlée et écrite, développée sous des influences psychologiques, physiologiques et historiques multiples, conserve l’empreinte de ces influences. Elle ne répond jamais, et ne saurait répondre à un système unique, déduit d’un principe simple, et fondé sur une conception purement logique. C’est pourquoi toute langue parlée et écrite doit fatalement présenter un certain nombre d’imperfections et d’antinomies, pour la plupart faciles à mettre en évidence. Ces antinomies résultent de conflits d’influences multiples, telles que le phonétisme, fondé sur la prononciation, et l’étymologie, résultant de nos origines historiques : origines celtiques, pour ne pas remonter plus haut ; origines grecque, latine, germanique, etc. Les analogies, les convenances de l’usage, les nécessités des applications scientifiques et industrielles ont concouru à la constitution de l’état actuel de la langue. Il est facile de le critiquer ; de même que l’on constate les imperfections de toute œuvre ou figure humaine.

Mais , en prétendant rectifier d’après une formule fondamentale, et par des procédés artificiels, une formation naturelle, dans quelque ordre que ce soit, on aboutit à la défigurer. On ne saurait pas davantage prétendre écarter par artifices et règlemens scolaires toutes les irrégularités de l’orthographe, ou de la grammaire. Ce n’est certes pas que je prétende faire l’apologie de toutes les graphies actuelles et déclarer qu’il faille immobiliser la langue française et son orthographe.

Mais il importe d’établir que celle-ci ne doit pas être déclarée absolument permanente et obligatoire dans ses usages présens ; moins encore dans des réformes proposées a priori, et qui n’ont pas subi l’épreuve de la pratique et la sanction du temps.

Nulle autorité ne possède le droit absolu de régler l’orthographe, et de la déclarer obligatoire, pas plus l’Académie, puissance aujourd’hui un peu démodée, et qui n’a jamais possédé jusqu’ici qu’une influence fondée sur le libre consentement de l’opinion ; pas plus le ministre de l’Instruction publique, par l’organe d’une commission de quelques personnes, désignées soit par lui, soit par un conseil élu par les instituteurs et professeurs. J’ai dit comment et pourquoi toute décision de ce genre