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aboutirait à des conflits et à des difficultés insolubles. Aucun pouvoir, même autocratique, ne saurait les écarter.

Dès lors, il n’existe qu’une seule solution du problème de la réforme de la langue française, c’est de la poursuivre par la méthode suivie au cours des siècles : c’est-à-dire en donnant toute facilité à la libre évolution de la langue et de la vie nationale, et en constatant de temps en temps, sans aucune intervention du bras séculier, son état présent.

La vraie réforme à faire, c’est d’écarter les obstacles que nos règlemens scolaires opposent en ce moment à cette libre évolution ; c’est de supprimer la tyrannie de l’orthographe scolaire, au lieu de constituer de nouveaux règlemens, propres à augmenter artificiellement les difficultés actuelles de l’orthographe, par le concours de systèmes nouveaux, opposés à l’usage. Ce qu’il faut faire, c’est déclarer qu’il n’existe pas d’orthographe administrative obligatoire, intervenant dans les examens par des cotes de correction numériques. Il devrait exister seulement une orthographe d’usage, susceptible de variétés. Les jurys en apprécieraient, avec un esprit d’indulgence et de modération, la valeur et la signification relatives ; de même qu’ils apprécient aujourd’hui le mérite inégal du style et de la composition dans les œuvres qui leur sont soumises.

Ce n’est pas là une proposition chimérique ; car nous reviendrons ainsi au régime sous lequel la langue française a produit les chefs-d’œuvre du XVIIe siècle, avec les diversités signalées tant de fois dans l’orthographe et le style de ses grands écrivains.

Comme par le passé, il s’établira, de temps à autre, un consensus, un accord volontaire, sur les points les plus importans, entre les écrivains ; accord constaté ensuite dans les ouvrages lexicographiques des académies , ou des personnes autorisées par l’opinion publique.


M. BERTHELOT.