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Ainsi compris, ainsi senti, ainsi exprimé, l’amour n’est plus seulement un sentiment instinctif, plus ou moins subordonné au devoir ; il est une force, la force la plus puissante que nous ayons en nous, pour réaliser notre destinée naturelle qui est de monter vers Dieu. Puisqu’il est en nous le point de rencontre des instincts matériels, légués par nos lointains ancêtres de la nature animale, avec l’âme éternelle que Dieu a faite à son image, c’est lui qui nous permet le plus merveilleusement de coopérer par notre volonté à l’œuvre de Dieu dans la création. Il est logique, il est conforme à la loi organique des êtres de monter vers le Père de toutes choses : ainsi donc peuvent s’harmoniser en nous les mouvemens inconsciens de la nature instinctive et les œuvres conscientes de l’âme s’orientant vers le Devoir. Et c’est pourquoi aussi l’amour de tous les êtres et en particulier de tous les hommes est nécessairement, naturellement compris dans l’amour de Dieu, conforme à l’ordre naturel des choses et à la lumière de la raison. C’est pourquoi surtout l’amour, chez les héros de Fogazzaro, est toujours un moyen de se purifier, de combattre la bassesse, de sortir de la fange, de s’élever, de s’élever toujours ! Et par là on voit aussitôt combien sa doctrine de l’amour se raccorde aux tendances générales de son esprit, à l’essence de son système, à l’idée dominante de son œuvre.


Seigneur des âmes, s’écrie Conrad Silla, c’est toi qui me les donnes ces divins fantômes, ombres de l’avenir, ces ardeurs qui me soulèvent de la fange vers moi-même. Ne m’abandonne pas. Fais que je sois aimé. Tu le sais, ce n’est pas seulement de la douceur que je cherche dans l’amour, c’est le mépris de toute bassesse, c’est la force de combattre pour le bien et pour le vrai malgré l’indifférence des hommes ; l’éternel ennemi caché, ses silences effrayans !


Lo sdegno d’ogni viltà ! Le mépris de toute bassesse ! Déjà Enrico et Miranda le considèrent comme un élément essentiel de l’amour : Daniel Cortis ne cessera de le répéter d’une façon plus raffinée encore et plus dégagée de l’instinct primitif. Pierre Maironi le sentira profondément avant même d’être devenu le Saint !

On reconnaît bien là l’œuvre consciente de l’écrivain qui a dit :

L’ascension de Dante


a claritate in claritatem per virtù
degli occhi pieni
Di faville d’amor, cosi divini,