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de l’immuable éternel, quelles forces pourraient être plus grandes ! Elles sont, nous l’avons vu, tout le soutien des héros de Fogazzaro ; elles en font l’originalité, la douceur, la grandeur ; elles sont, pourrait-on dire, leur principe dans l’ordre artistique et leur raison d’être. Et si nous poussions une incursion respectueuse dans ce que le Poète, le vrai Poète, le créateur de ces nobles images nous a permis de saisir de son âme à lui, nous y trouverions, resplendissante de vie réelle, la même croyance active avec les mêmes résultats. C’est ce que nous révèle le poème intitulé : Nuit de passion, inspiré par l’image, chère au poète, d’une jeune fille qu’il ne connut pas vivante. Il est à citer dans son entier :


Rouge ou noire, il n’est de foule qui n’insulte, ô Dieu, parce que je T’ai vu dans le ciel entr’ouvert I En moi s’éveille et se dresse en grondant le démon de l’orgueil !

Je lui cède, puis je m’attriste, et je vais, palpitant, chercher, sur le balcon, dans la nuit profonde, l’ombre, la paix et le repos ; ah ! fais-moi entendre encore, oui, fais-moi entendre le son de Ta voix.

Comme le jour où je vins Te chercher, tremblant, tandis que la lumière s’éteignait au Couchant et que j’entendis la Voix, la Vérité et la Vie me parler sur la terre et dans le Ciel !

Entre en moi, Dieu Infini, entre par tous mes sens jusqu’au fond de mon cœur malade ; détruis, renouvelle ce que je sens et ce que je pense ; emporte-moi vers Toi dans un tourbillon d’amour !

Parce que je dis des paroles élevées, sottement, je suis rempli de superbe et de bassesse ; au monde, Ton ennemi, j’oppose mon visage, cependant qu’il domine puissant et fier en mon âme.

La lune cachée blanchit les nuages ; l’air, la terre, tout semble vivre dans les murmures du vent qui va, et puis s’arrête, dans l’ivresse vagabonde des lucioles,

Dans les mille trilles incessans parmi les herbes, dans les sons lointains sur la plaine obscure, Seigneur, et Toi tu te fais à mon esprit amer ; froidement je Te prie, et c’est en vain que j’implore de Toi l’ardeur !

La Terre m’écoute ; et voici qu’elle me répond pour Toi. Elle dit : « Tu es à moi ; pourquoi te tourner vers le Ciel ? Fils de mes entrailles profondes, le Dieu que tu fatigues te repousse vers moi.

Impie, toi qui parles de t’élever au-dessus même de la sainte nature ! Trépigne, pleure, aime, assouvis-toi et chante : c’est là tout le passé et c’est là tout l’avenir !

Vive la vie ardente que je vous ai donnée, ô vous, Humains, au temps où le Soleil me porta son plus grand amour ! Tu veux devenir Esprit, misérable impuissant ! Et moi, par vengeance, je ferai de toi une Bête !

De mon souffle j’obscurcirai ton esprit, je briserai les ailes à tes pensées ! Et toi qui as bâti un royaume par delà les étoiles, dans la boue tu hurleras au plaisir !