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son for intérieur, Philippe-Marie est tranquille et concilie deux courans d’idées diamétralement opposés : il croit aux astres et à une aveugle fatalité, et en même temps il invoque la protection de toute une légion de saints ; il lit des auteurs anciens, goûte les poésies de Dante et de Pétrarque et se fait lire des romans de chevalerie français. Enfin, ce même homme, qui ne voulait jamais entendre parler de la mort et qui faisait disparaître du château jusqu’à ses favoris mourans, afin que le trépas de personne ne vînt attrister un séjour voué à la joie, ce même homme a hâté volontairement sa fin en laissant se fermer une plaie et en refusant de se laisser pratiquer une saignée, et il est mort avec noblesse et dignité. »

Voilà une famille de tyrans ou de princes italiens, à la mode des XIVe, XVe et XVIe siècles. Elles sont toutes comme celle-ci. Chez les Sforza, que le mariage de Francesco substitue aux Visconti, Ludovic le More joue et probablement empoisonne son neveu et pupille Galeazzo. Chez les Médicis, Giovanni attaque à coups de poignard son cousin Giovanni dans un bal ; Laurent le Magnifique veut marier une de ses filles à l’un de ses neveux, mais un frère, à qui l’alliance déplaît, y coupe court, paraît-il, en l’empoisonnant. Lorenzino, en 1537, se chargera d’expédier Alexandre. Chez les Este, « le gouvernement se distingue par un singulier mélange de despotisme et de popularité. Dans l’intérieur du palais se passent des scènes épouvantables : une princesse, soupçonnée d’avoir commis le crime d’adultère avec un fils né d’un autre lit, est décapitée (1425) ; des princes, légitimes aussi bien qu’illégitimes, s’enfuient de la cour et sont menacés, même à l’étranger, par les assassins envoyés à leur poursuite (1471)... Le bâtard d’un bâtard veut détrôner le seul héritier légitime (Hercule Ier) ; plus tard (1493), ce dernier empoisonna, dit-on, sa femme, après avoir découvert qu’elle voulait l’empoisonner lui-même ; il commit, à ce qu’on prétend, ce crime à l’instigation de Ferrante, frère de l’épouse criminelle. Citons enfin le complot ourdi par deux bâtards contre leurs frères, le duc régnant Alphonse Ier et le cardinal Hippolyte (1506), complot qui fut découvert à temps et puni de la réclusion perpétuelle. » Les Baglioni sont une race d’Atrides : est-il une tragédie antique qui égale en terreur celle dont leurs demeures furent le théâtre, en l’été de l’an 1500, lors du mariage d’Astorre avec Lavinia Colonna ? Gentile et Carlo, deux cousins, à l’assaut de 1503, se