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mon beau-frère, et là je me cache sur le faîte du grenier à blé, au milieu des cris et des hurlemens de quelques femmes, seules à s’émouvoir et à me plaindre. » Le beau-frère d’Olgiato le chasse à son tour ; seuls, sa mère et le curé de sa paroisse en prennent pitié, on lui apporte un habit de prêtre. « Et ainsi, avec une cotte au dos et un béret de prêtre en tête, je le suivis (le curé) à sa maison, où, me laissant, il s’en alla à ses affaires. Cependant, tandis que j’étais dans la maison du curé, de grandes pensées me bouillaient dans l’esprit. Et je pensais à me lever dans le silence de la nuit, à exciter le peuple à donner le sac aux maisons de Cicco Simonetta, de Giovanni Botta, et de Francesco Lucca, très haïs de la plèbe. J’étais certain que le peuple, aigri par la disette, m’aurait suivi... Mais voici qu’étant toujours caché dans la maison du curé, j’entends monter de la rue une rumeur sourde, épouvantable. C’étaient les voix de la populace qui traînait le cadavre du pauvre Lampugnani... Je restai atterré, et le cœur me faillit. « Le soir, le curé revient. Il rapporte des nouvelles : la ville est tout indignée de l’assassinat du duc. Olgiato ne peut le croire ; et, pendant qu’il y réfléchit, les sbires des Sforza font irruption, tournent, cherchent, fouillent partout à grand fracas. « Alors je compris que cette maison était suspecte. Je n’eus plus de paix. Travesti en facchino, avec le vêtement retourné et le béret enfoncé sur les yeux, j’allai dans la maison de Filippo Marescotti. Mais, chassé de là, plutôt par hasard que par choix, je m’en vins chez Gabriele della Flora, où un enfant et deux serviteurs m’accueillirent avec grande pitié et me cachèrent dans une partie des plus secrètes de la maison. Je restai là jusqu’à ce que pour moi arrivât l’heure fatale... Et maintenant, ô toi, très sainte mère de Dieu (et toi, duchesse Bonne, si coupable que je puisse paraître à tes yeux), je vous implore à genoux afin que par votre clémence et bénignité vous vouliez bien vous souvenir que j’ai, moi aussi, une âme, et laisser à ces misérables membres seulement ce qu’il me faut de force pour que je puisse bien confesser mes péchés. »

Ce cri déchirant que Girolamo jette dans la torture, la duchesse l’écoute et lui envoie un confesseur, qui lui demande s’il se repent. Sur quoi, de sa voix brisée et si faible qu’elle n’est plus qu’un gémissement : « Je sais... que j’ai mérité pour mes péchés des tourmens plus grands encore, si mon corps eût pu les supporter. Mais la sainte œuvre pour laquelle je meurs tranquillise