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ma conscience. Je ne crois pas, à cause d’elle, avoir mérité de peine, j’espère même que pour elle mes péchés trouveront miséricorde auprès de mon suprême Juge... Non, je ne me repens pas... Et si je devais dix fois renaître, pour dix fois périr parmi ces tourmens, oui, oui, je donnerais mon sang, je donnerais toutes mes forces, pour une fin aussi sainte. » Il passa ses dernières heures à composer l’épitaphe de Galeazzo : à l’immortelle honte du duc, à l’immortel honneur de lui-même et de ses amis :


Quem non armatæ potuerant mille phalanges
Sternere, privata Galcaz dux Sfortia dextra
Concidit, atque illum minime juvere cadentem
Astantes famuli, nec opes, nec castra, nec urbes.
Unde patet sævo nil tutum esse tyranno,
Hinc patet humanis quæ sit fiducia rebus.


Stupéfaits de sa constance au milieu des supplices, les argousins eux-mêmes ont les larmes aux yeux. On appelle le bourreau pour l’écarteler, mais le bourreau aussi est ému, la main lui tremble ; le couteau, à plusieurs reprises, n’entre pas et ne fait que des écorchures. Un cri aigu échappe à Girolamo, mais il se ressaisit, et s’encourage, « disant ces paroles en langue latine, parce qu’il était lettré : Mors acerba, fama perpetua, stabit vetus memoria facti ! » Il était digne, remarque Bernardino Corio, de mourir pour la foi du Christ. Enfin, Girolamo expira. Il avait vingt-trois ans, et, comme il était imberbe, il en paraissait moins encore. Un morceau de son cadavre fut pendu à chacune des portes de la ville, et la tête, piquée au bout d’une lance, fut exposée au sommet de la tour du Broletto Nuovo, sur la place des Marchands,

Les caractères distinctifs de la conjuration d’Olgiato, à Milan, se retrouvent, à un demi-siècle d’intervalle, dans la conjuration, découverte en 1513, de Pietro Paolo Boscoli à Florence. L’enseignement des humanistes a porté ses fruits. On n’a pas cessé de lire Salluste, Tacite, Tite-Live, et les tyrannicides en sont friands, mais certains tyrans, ou, — si Frédéric de Montefeltro duc d’Urbin est le dernier, en ce pays et à cette époque, à qui l’on puisse donner le nom de tyran, — certains princes ne le leur cèdent pas d’une page. Conspirateurs, patriotes, politiques et capitaines prennent à l’envi leurs modèles en Grèce et à Rome, bien entendu dans la Grèce et la Rome antique : ils ont toujours