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corde, à échelons de bois, permettait aux hommes de s’attacher au traîneau sur deux files. Le véhicule était prêt ; mais il fallait faire accepter aux guides ce mode insolite de transport, et ce ne fut pas une petite affaire. On parvint cependant à les convaincre, et l’expédition fut décidée. Le 17 août 1890, à sept heures du matin, M. Janssen partait de Chamonix en compagnie de M. Durier, avec vingt-deux guides ou porteurs, et se trouvait au chalet de Pierre-Pointue vers dix heures. Du chalet aux Grands-Mulets, on employa la chaise-échelle, et à cinq heures et demie la caravane arrivait à l’étape. Le lendemain, on quitte les Grands-Mulets à cinq heures du matin, avec le traîneau remorqué par douze guides, et l’escalade recommence, périlleuse et pénible. En vue de parer au danger d’une chute, deux guides toujours grimpent en avant, enfoncent dans la neige et la glace un piolet jusqu’à la tête, et enroulent autour du manche deux tours d’une longue corde dont ils tiennent fortement l’extrémité. Au fur et à mesure que le traîneau s’élève, ils tirent la corde à eux, de manière qu’elle reste toujours tendue. En cas d’accident, cette corde aurait retenu le traîneau et ceux qui le guidaient. Vers une heure de l’après-midi, on était à la cabane des Bosses, que M. Vallot venait de faire construire.

On devait y passer la nuit et repartir le lendemain ; mais, dans la soirée, le temps se gâta tout à coup, et, la nuit, la tourmente fut terrible. C’était le contre-coup du cyclone du 19 août. Il fallut patienter trois jours, et M, Janssen eut le temps de faire des réflexions sur l’utilité qu’aurait un observatoire météorologique bien aménagé et bien outillé, pourvu d’appareils enregistreurs à longue marche, dans ces hautes régions, où les perturbations atmosphériques se font encore sentir avec une sauvage violence. Enfin, le 22, le temps s’étant amélioré, M. Janssen put songer à faire l’ascension du sommet, avec les douze hommes qui lui restaient, sous les ordres de leur chef Frédéric Payot, car les autres avaient demandé à redescendre. Grâce à l’énergie indomptable de cette troupe de fidèles, le traîneau finit par être hissé jusqu’au sommet, et après quelques heures consacrées à de rapides observations, par un temps admirable, il fallut se résoudre à commencer la descente ; à deux heures, on était de retour à l’établissement des Bosses, et le soir, on était aux Grands-Mulets pour le dîner. Le lendemain, départ pour Chamonix, où l’on arriva vers sept heures du soir.