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vieux poète malintentionné[1], la pièce fut écoutée favorablement par les spectateurs, et, comme nous l’avons conservée, nous pouvons nous demander s’ils eurent raison de l’applaudir.

Elle paraît d’abord, dans son ensemble, ne pas s’éloigner beaucoup de celles de Plaute. L’intrigue est à peu près la même, et conduite presque de la même façon, avec des jeux de scène un peu naïfs et des procédés de convention qui nous font sourire. Cependant, dès le début, des différences apparaissent. Nous remarquons que le père est devenu plus doux, plus humain, plus tendre ; il a toutes les peines du monde à se mettre en colère contre son fils et à trouver un prétexte pour le gronder. Le fils assurément ne fait pas de bonne grâce tout ce que veut son père, mais il le respecte, il a peur de le mécontenter et il redoute sa colère. C’est un aspect un peu nouveau de la famille, une façon de la peindre sous des traits moins rudes que Plaute. Je remarque aussi qu’au second plan, derrière les personnages ordinaires de la comédie ancienne, Térence en indique d’autres dont ses prédécesseurs ont fait peu d’usage. Les jeunes gens, dans les comédies de Plaute, n’ont d’amour que pour les courtisanes. Ils finiront sans doute, après une résistance plus ou moins longue, par épouser une jeune fille de naissance libre, mais uniquement pour plaire à leurs parens, sans aucun souci de la choisir eux-mêmes et avec une parfaite indifférence pour elle. L’un d’eux, à qui son père propose la fille d’un de ses amis, répond tranquillement ; « Celle-là ou une autre, si tu veux, aliam si vis. » Dans l’Andrienne, il est question d’une jeune fille de naissance libre, qui est aimée de l’un des personnages de la pièce. A la vérité, elle n’est montrée que de loin, et le poète ne l’a pas amenée sur la scène ; mais la passion avec laquelle l’amoureux en parle fait bien voir qu’il a pu l’approcher et qu’il la connaît. C’est tout un petit roman qu’on peut imaginer, et un jour nouveau ouvert sur l’intimité dans la vie de famille. Les spectateurs n’étaient pas accoutumés à être ainsi familièrement introduits dans l’intérieur de la maison et ils durent en être un peu étonnés[2].

  1. Malevolus vetus poeta. La traduction est de Racine ; il applique cette épithète malveillante à Corneille qui avait mal parlé de Britannicus à la première représentation de cette pièce.
  2. Notons encore que le confident auquel le vieux Simo communique ses inquiétudes est un affranchi et non pas un esclave comme chez Plaute. C’était se rapprocher encore de la famille romaine où l’on sait que l’affranchi tenait tant de place.