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délicat observateur de nos mœurs. Dans cette intrigue innocente et folle, il a fait tenir de jolis coins d’analyse et de menues scènes d’aujourd’hui. C’est par là que son ouvrage, si mince qu’il soit, n’est pas indigne du nom de comédie. M. Tristan Bernard est, par exemple, un peintre étonnamment averti de cette maladie morale qui s’appelle : la timidité. Une jeune fille n’ose pas dire à son père qu’un mariage projeté pour elle lui déplaît, et en arrive ainsi jusqu’au jour des fiançailles. Un jeune homme amoureux n’ose pas se déclarer, parce que le son de sa propre voix lui fait peur. Une jeune fille n’ose pas exprimer sa tendresse à sa sœur, parce qu’elle est glacée par la timidité de celle-ci. Et telle est cette famille de timides ! Comme dans un album de croquis, nous voyons défiler devant nous des silhouettes enlevées d’un trait juste : parasites, femmes de théâtre, etc. On passe, par des nuances imperceptibles, de la fantaisie à la réalité, et de l’invention abracadabrante à l’observation juste. Cela est d’un art très délicat. Sa sœur est une très heureuse suite à l’inénarrable Triplepatte. Et il faut louer les auteurs de l’Athénée de rappeler, fût-ce même à ceux de la Comédie-Française, qu’on peut amuser les gens d’aujourd’hui, sans tomber dans la niaiserie et dans la grossièreté.

Mlle Goldstein tient avec beaucoup d’agrément le rôle de l’ingénue. M. Bullier est plein de rondeur et de bonhomie sous les traits du bon parasite Fister. Toute la pièce est enlevée dans un joli mouvement de gaieté légère.


RENE DOUMIC.