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REVUES ÉTRANGÈRES

UN NOUVEAU LIVRE ANGLAIS

SUR CHARLES DICKENS



Charles Dickens, par G. K. Chesterton, 1 vol. in-8o ; Londres, 1906.


Je me souviens qu’un jour, — il y aura bientôt une trentaine d’années, — ayant eu l’occasion de rencontrer un critique anglais des plus considérables, je commis l’imprudence de lui avouer ma tendresse passionnée pour les romans et les contes de Dickens ; et jamais je n’oublierai avec quel mélange d’étonnement et de compassion mon éminent interlocuteur accueillit cet aveu. « Dickens ! s’écria-t-il, vous en êtes encore à parler sérieusement de ce misérable bouffon ! Sachez donc que c’est un écrivain sans idées et sans style, un fabricant grossier de romans d’aventures, et qui n’a pas même la facile variété d’invention d’un Alexandre Dumas ou d’un Eugène Sue ! C’est un homme chez qui tout est faux, l’émotion et la raillerie, la tragédie de la petite Nell et la comédie de M. Pickwick. Il n’y a pas un de ses livres qui mérite d’être lu ; et, aussi bien, le moment approche où, en Angleterre du moins, ses livres ne trouveront plus personne pour les lire. Méprisés par les lettrés dès le premier jour, tout porte à croire que, de plus en plus, ils vont cesser d’amuser le gros public, qui commence déjà à reconnaître le mauvais goût, l’exagération affectée, l’extrême pauvreté littéraire de ces caricatures. Thackeray, George Eliot, voilà nos grands romanciers, ceux que le monde entier admirera dans vingt ans, lorsque rien ne survivra plus de l’œuvre de Dickens ni de sa renommée ! »