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pour leur père. Dans les Adelphes, Ctesipho, que le sien a très rudement traité, se contente de l’envoyer faire une promenade assez fatigante qui risque de le retenir quelques jours chez lui ; mais il s’empresse d’ajouter « qu’il espère bien que sa santé n’en souffrira pas. » Voilà un de ces fils comme on n’en rencontre guère chez Plaute.

C’est qu’aussi la famille est présentée sous un jour différent dans les pièces de Térence. Plus de ces pères débauchés qui accompagnent leurs fils dans les mauvais lieux ; plus de ces fils qui souhaitent la mort de leur père, et, en attendant, n’ont d’autre souci que de le ruiner ; des matrones moins acariâtres ; des mères plus tendres ; des courtisanes, sans doute, et en grand nombre, mais souvent pleines de bons sentimens, et, à l’horizon, quelques jeunes filles de naissance libre, qui prennent de plus en plus de place dans l’action. Évidemment Térence voulait donner à son public l’exemple d’une autre société qu’il jugeait préférable ; par les tableaux qu’il lui présentait de personnages moins grossiers, d’habitudes moins rudes, de sentimens plus délicats, il travaillait à la transformation des mœurs publiques. Il est bien probable aussi qu’en le faisant il subissait l’influence de ses protecteurs, il traduisait leurs idées et leurs opinions, il mettait sur la scène ce qu’ils souhaitaient voir s’introduire dans la vie ; et c’est ce qui ajoute au plaisir que nous éprouvons aujourd’hui à lire ses pièces. Elles nous mettent en communication plus directe avec cette jeunesse dont il semblait être le porte-parole et près de laquelle il paraissait si heureux de vivre.

Pour achever de connaître ce qui concerne les relations qu’il eut avec elle, il resterait à savoir comment il en était traité et le rang qu’il tenait dans la noble compagnie. Nous ne sommes pas les premiers que cette question préoccupe ; elle était discutée déjà dans l’antiquité. Porcins Licinus, un grammairien de l’époque de Sylla, qui avait emprunté aux Alexandrins l’habitude de faire de la critique littéraire en vers, représente notre poète comme un complaisant qui flatte ses protecteurs et se trouve fort honoré d’aller dîner chez Philus et chez Lælius. Il ajoute que « pendant qu’il écoute les éloges trompeurs qu’on fait de lui, et que son oreille, avide boit la parole divine de l’Africain, il néglige ses intérêts et finit par tomber dans une telle misère qu’il ne possédait même pas une maison où l’on vînt annoncer la nouvelle de sa mort. » Mais ce grammairien paraît être un démocrate