Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/131

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne fait pas la guerre, comment avoir des généraux, et comment savoir qu’on en a ?

« Mais il y a d’autres difficultés terribles. En premier lieu, une guerre de ce genre ne doit jamais être faite par un souverain en personne, et de plus, il amènera son frère[1] qui est le fléau et l’horreur de l’armée. Jamais un roi soldat ne combattra avec avantage un soldat roi. Les raisons en seraient longues et toutes infiniment honorables à la souveraineté légitime ; mais il n’y a pas moyen de s’embarquer dans ces détails. Je me contente de vous dire, ou de vous redire que l’or ne peut pas couper le fer. De plus, on n’aura rien fait, si l’on n’a pas fait naître, en France, l’esprit qui ne veut plus de Napoléon, et hors de la France, l’esprit qui aurait envie de le renverser. Où sont ces deux esprits ? Le Français n’aime rien, ne désire rien, ne regrette rien, ne préfère rien et même ne connaît rien. Amenez à celui qui a dix mille francs de pension, un nouveau maître qui lui en donne quinze, il l’aimera un tiers de plus. Du reste vive l’opéra-comique et la gastronomie ! La Noblesse vaut peut-être moins que le reste, et le même phénomène peut encore s’observer chez nous, car je répondrais bien moins au Roi de sa noblesse que du Second Etat, et cela encore est tout à fait naturel. J’ai beau regarder dans le monde, je n’y vois aucun signe favorable, pas une tête qui passe l’autre, pas un jeune homme brillant qui ait sur la tête cette flamme inconcevable qu’on aperçoit de tous côtés et qui réunit toutes les volontés. Aucun homme de votre parti, mon cher comte, ne peut prétendre à cet honneur immortel. Nul homme qui a suivi les rois ne peut les rétablir. Vérité terrible et amère qui m’a souvent serré le cœur, mais dont je contemple sans préjugé la triste et incontestable évidence.

« Cette raison (entre mille) démontre à l’évidence que pour aucune raison il ne faut quitter son pays à cause d’une révolution, car celui qui sort, comment sait-il qu’il ne pourra pas servir le gouvernement légitime ? Je ne vois à cela qu’un petit nombre d’exceptions très justes et très honorables. Je veux parler des personnes en petit nombre, attachées à celles des princes et qui sont appelées à les suivre ou à les servir suivant leurs désirs (des princes) ici ou là. Ces hommes ne doivent plus tourner la tête. Le reste doit demeurer sur la terre en convulsion, faire le

  1. Le grand-duc Constantin.