chose de grand, ou qui le deviendra. Les anciens lui en sont garans : c’est ce qui fait aujourd’hui pour nous l’intérêt de la Précellence et de la Conformité.
Elles en ont cependant un autre, qu’Henri Estienne ne pouvait guère prévoir, et qui est d’être pour nous de précieux « documens » de l’histoire d’une lutte sourde, et mal connue, qui commençait de s’engager alors entre le grec et le latin. On les avait confondus jusqu’alors, et ils s’étaient pour ainsi parler « laissé faire. » L’antiquité, cette antiquité qu’on avait tant à la bouche, c’était Virgile autant qu’Homère, et Horace autant qu’Anacréon. On ne distinguait pas ou à peine ; et nous avons vu, en étudiant les « théories » de la Pléiade, quels étaient dès lors les inconvéniens et les dangers de cette confusion. Mais, précisément, voici que l’on commence à se rendre compte qu’il y a lieu de distinguer plus profondément, et la question se pose de savoir lesquels seront nos inspirateurs et nos maîtres, des Latins ou des Grecs ? Elle est nettement posée dans un gros livre que nous retrouverons, la Poétique de Scaliger, et que nous verrons, pour une part considérable, intervenir dans l’évolution de la tragédie française. Imitateurs déclarés des « anciens, » et en ce sens, déjà « classiques, » auxquels demanderons-nous d’achever notre éducation ? « Hellénisation » ou « latinisation » de la culture, en quel sens nous dirigerons-nous ? On sait déjà, on peut même prévoir dès lors la réponse qu’un très prochain avenir va donner à cette question. Les Grecs ne seront bientôt plus que du « luxe » dans, le système de notre éducation. C’est les Latins qui en seront le fond, le support et la base. On ne saurait oublier que l’intérêt de cette question fait une partie de celui que nous offrent encore la Précellence et la Conformité, ou d’une manière plus générale, l’œuvre philologique d’Henri Estienne. L’un des plus grands de nos grands hellénistes, il en est aussi l’un des derniers ; on dirait qu’il s’en doute ; et de là presque autant que du préjugé mis en lui par sa première éducation, la défense pour ainsi dire désespérée qu’il fait du grec. Il n’oppose pas les Grecs aux Latins, mais il sent que Latins et Grecs ne seront pas longtemps ensemble paisibles possesseurs du champ des études classiques ; il le déplore, et il s’en indigne, sans bien savoir les raisons de son chagrin et de son indignation, et en tout cas, par provision, comme philologue, il fait du grec l’apologie, je ne dirai pas la