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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/208

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Nous, nos destins seront pour toujours révolus ;
Nos espoirs, nos désirs, nos amours, nos pensées,
Tout de nous aura fui dans les ombres passées :
Nos petits-fils, à naître encor, ne seront plus.

Et tout ce qui pour nous est la forme du monde,
Nos nations, nos lois et nos dieux seront morts,
Et rien ne restera de notre vie alors
Que la vie elle-même, éternelle, et féconde…



Le soir vient ; le soleil s’efface du gazon.
Tout se tait ; seul ; parfois, sur la route un char passe.
Le silence et la fièvre ondulent dans l’espace.
Un petit bois de pins se dore à l’horizon…


NOCTURNE


Viens voir luire les fleurs du sureau dans la nuit,
Etincellement pâle, éclaboussement clair,
Gerbe de lents rayons comme arrêtés dans l’air,
Mystérieux bouquet sans tige épanoui…

Elles semblent nager dans l’ombre verte et brune ;
On ne voit que les fleurs, on ne voit pas les branches :
On dirait, immobile, un essaim d’ailes blanches,
On dirait, suspendue, une neige de lune…

Et c’est comme un secret qui fait se parler bas,
Dans un frisson d’extase inquiète et ravie ;
C’est tout ce qui palpite et ne se pose pas :

Un vol de papillons aux tardifs entrelacs,
Un parfum de lys clos, un essor d’oiseaux las,
L’Heure éparse qui rêve et qui retient son pas,

Et l’attente à jamais de l’Ame dans la vie…