forme de leurs résultats, il est vrai, plutôt que de leurs principes, à la portée de ceux que les circonstances de leur vie n’ont pas mis à même de les acquérir, et il ne faut point douter que ce ne soit lune des fonctions de l’écrivain. Henri Estienne, sans le savoir, l’a senti confusément, et, en tout cas, c’est à cela surtout qu’il doit, bien plus qu’à son Apologie pour Hérodote, la place qu’il occupe dans les histoires de la littérature française. Faut-il dire à ce propos, qu’étant d’ailleurs tout ce qu’il est, il ne l’occuperait pas dans l’histoire d’une autre littérature ? Je ne sais, et, si je disais toute ma pensée, je dirais que je ne le crois pas. L’estime singulière que nous faisons de ce genre de mérite me semble être caractéristique de la littérature française. Et sans doute, c’est attacher bien de l’importance à une « question de forme, » mais, de quelque manière qu’on les entende, les « questions de forme » ont une importance réelle, de même que les « querelles de mots, » qui sont ordinairement des « querelles de choses ; » et puis, il y a aussi plusieurs manières d’entendre les querelles de forme. Nous les verrons se préciser, se distinguer les unes des autres, à mesure que nous avancerons, et déjà, c’est ce que nous allons voir dans le cas de Jacques Amyot.
Ce ne sera pas sans avoir dit deux mots des dernières années d’Henri Estienne, 1590-1598. Elles furent tristes et agitées. Les années, quoique à peine il eût touché la soixantaine, n’avaient pas adouci les aspérités de son caractère ; les affaires de son imprimerie de Genève, compliquées en quelque sorte d’affaires religieuses, allaient mal, et l’abondance de ses productions ne réussissait qu’à grand’peine à en écarter la menace de la ruine prochaine ; les quatorze enfans qu’il avait eus de ses trois mariages, et dont les plus connus sont Paul, qui lui succéda dans la dynastie des Estienne, et Florence, qui épousa le grand érudit Casaubon, étaient dispersés à travers le monde, et au surplus ne semblent pas l’avoir entouré d’une affection bien vigilante. Il édita d’autres textes grecs, encore des textes grecs ; il lit des traductions latines, et il voyagea ! On le rencontre un peu partout, en Europe, de 1590 à 1598, promenant son humeur vagabonde, « plaçant » ses livres à l’occasion, fréquentant les érudits et les cours, inquiet de sa personne, bizarre, quelque peu maniaque, accumulant dans sa bibliothèque dont il interdit l’accès à tout le monde, et même à Casaubon, des manuscrits et des livres qu’il