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ne regarde plus. En revanche, il refuse de rendre, non seulement les livres qu’on lui a prêtés, mais les écrits qu’on lui a soumis pour prendre conseil de son érudition. Sa raison s’égara-t-elle à ce régime, étrange pour un homme de son âge ? On l’a prétendu, sans donner des preuves qui soient sûres. Toujours est-il que sa vie n’en fut pas prolongée, et, en 1598, comme il se rendait à Montpellier, chez son gendre, pour lui communiquer de « bonnes variantes sur Athénée, » dont Casaubon préparait une édition, il était obligé de s’arrêter et de s’aliter à Lyon. Il y mourait plus tard, au commencement de mars, dans un lit d’hôpital. Il avait soixante-dix ans, si l’on le fait naître en 1528, et soixante-six, si l’on le fait naître en 1532.


II. — JACQUES AMYOT

Après l’éditeur, qui ramène le vieux texte à la lumière du jour, le traducteur, qui le fait pour ainsi dire contemporain de son époque ; après Henri Estienne, le grand érudit protestant, Jacques Amyot, précepteur de Charles IX et d’Henri III, évêque d’Auxerre et grand aumônier de France ; et après l’homme qui a livré pour l’honneur de la langue française le combat que l’on vient de voir, l’homme dont on a pu dire, avec un peu d’exagération peut-être, — mais c’est Montaigne, — que « le livre nous a relevés du bourbier ; » et, notons ce trait, que « les dames en régentent les maîtres d’école : » ce qui signifie que, dans les cas douteux et difficiles, ils ne sont toujours, eux, que des « maîtres d’école, » des « pédans de collège, » mais il est, lui Amyot, la loi ! Singulière fortune ! ou plutôt fortune unique, dont on ne trouverait d’exemple dans aucune autre littérature ! Car, nous n’avons d’Amyot que ses « traductions, » et en fait d’œuvres originales que les « préfaces » qu’il a mises à ces traductions. On peut même dire que nous n’en avons qu’une, qui est celle qu’il a donnée des Œuvres de Plutarque ; et, en effet, qui a lu son Diodore de Sicile ? Ce n’est pas lui non plus que l’on cherche dans ses traductions de Longus et d’Héliodore, Daphnis et Chloé, Théagène et Chariclée ! Mais, précisément, là où il semble que l’étonnement doive redoubler, c’est là qu’il cesse. Le choix qu’il a su faire de son texte est la grande raison de la popularité d’Amyot. Il est Plutarque, et Plutarque c’est lui. L’original et le traducteur ne sont qu’un. Leurs qualités et leurs