la musique aussi monte dans la lumière. C’est un de ces effets, ou de ces procédés italiens qu’on estime peu, mais qu’on ne saurait haïr.
Certain air (le « grand air ») de Mme Butterfly, au second acte, est de même nature, bien que de qualité légèrement supérieure. Voilà la page lyrique par excellence de la partition (par où nous n’entendons point qu’elle soit d’un lyrisme excellent). Elle manque de noblesse et de style, plutôt que d’élan et de chaleur. Et puis on y retrouve à l’état primitif, ou brutal, sans artifice et presque sans art, le génie ou l’instinct mélodique italien. Même ainsi, même seul, il a sa force ; bien plus, il est une force, à laquelle on ne résiste pas toujours. Italiam ! Italiam ! Ici, rien du Japon, mais quelque chose de l’Italie ; et ce quelque chose, qui n’en est que le dehors, en est le dehors brillant. « Sensation d’Italie, » et rien que sensation, qui ne s’élève pas jusqu’au sentiment, encore moins jusqu’à l’idée. Mais parce que cette sensation est vive, nous lui pardonnons d’être un peu grossière et nous nous y abandonnons.
A l’audition d’abord, puis à la lecture, nous n’avons guère trouvé dans la musique de Madame Butterfly que ces deux taches éclatantes. Ce qui fait défaut surtout et partout ici, c’est la tenue et le style ; c’est l’habitude, chez l’artiste, de se surveiller et de se contrôler soi-même, le goût et le soin de choisir parmi les idées, les formes et les moyens ; c’est la finesse de ce que les peintres nomment « les passages ; » entre les « coups de patte, » c’est le tour de main et le doigté.
Dans Madame Butterfly, comme dans la Bohême, M. Puccini garde encore un sens dramatique ou théâtral qui ne le trompe guère, qui ne manque pour ainsi dire pas une situation, pas un mouvement, pas un incident extérieur. Quant aux caractères, la musique les pousse à peine au-delà de l’ébauche, ou de la silhouette. Moral ou lyrique, c’est un triste personnage deux fois que celui de Pinkerton, et ses romances ne valent pas mieux que sa conduite. Enfin, quelque forme qu’elle prenne, ou plutôt à quelque forme qu’elle s’applique : orchestration, harmonie, mélodie elle-même, l’imagination musicale est décidément ce qui semble avoir ici baissé le plus et se réduire presque à rien.
Le second acte, à peu près vide d’action, pouvait être plein de musique. Il n’est fait, hormis quelques épisodes sans importance, que de la longue attente de Butterfly et de son long espoir à la fin récompensé. En dépit d’une lettre d’adieu, que d’ailleurs elle s’est à peine laissé lire, et sans y croire, Butterfly depuis deux ans n’a pas douté, fût-ce une heure. Pinkerton reviendra, il ne peut pas ne pas revenir. Et voici justement qu’il revient : elle entend le navire qui le ramène saluer la