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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/216

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terre, elle le voit entrer dans le port. Alors Butterfly et sa fidèle suivante s’élancent au dehors ; leurs mains en un moment dépouillent le jardin que le printemps fleurit, et la maison devient jardin à son tour. Mais pour cette double effusion, de joie et de fleurs, le musicien n’a trouvé qu’un duo médiocre, où de banales cantilènes s’achèvent par une espèce de scherzo — valse, à deux voix.

Le soir tombe ; les deux femmes, avec le petit enfant qui va bientôt s’endormir entre elles, continueront de veiller et de guetter jusqu’au jour. Quelle musique sera la compagne et l’interprète de leur veille ? Un thème par trop simplet et qui semble tiré d’une méthode de piano pour le premier âge. En outre, c’est exactement celui dont l’orchestre, tout à l’heure, soutenait pianissimo la lecture de la lettre. Une mélodie identique, après nous avoir informé que le marin ne reviendrait pas, nous annonce maintenant le retour du marin. Elle se rapporte donc à deux objets non seulement différens, mais opposés. C’est le motif à deux fins, ou à double échappement, le rappel de motif sans motif, ou plutôt pour le motif contraire. Je me souviens que, dans un vaudeville d’autrefois, une jeune personne à qui son protecteur offrait une broche, répondait : « Je la refuse comme broche, mais je l’accepte comme sentiment. » On n’en dirait pas autant de ce thème, ni même, en général, de cette partition. Absolue ou relative, la valeur en est mince. On n’a pas plus envie de l’accepter comme sentiment que comme musique même.

Le personnage de Mme Butterfly a trouvé dans Mme Carré une interprète non seulement au-dessus du rôle, mais supérieure aussi, par l’ampleur et par l’énergie, au talent surtout aimable que la cantatrice et la comédienne avait déjà fait applaudir.


A la « madame » japonaise qui s’appelle papillon, combien je préfère l’autre, qui porte un nom de fleur, la première, la vraie et vraiment nôtre, celle enfin que l’Opéra-Comique aurait mieux fait de reprendre et qui sûrement nous eût repris. J’en ai dit quelque bien naguère ; j’en pense et j’en dirai plus encore aujourd’hui. Cette reprise eût décidé si l’œuvre « se tient » et se soutient en son ensemble ; mais l’ayant lue et mainte fois relue, on peut répondre qu’elle a des grâces, des beautés même, dignes, après quatorze ans, de tenter une seconde épreuve et d’en triompher.

Voilà, sur le même sujet que Madame Butterfly, une tout autre partition. Voilà, soit dit sans amour-propre national, une musique où ne manque ni la- « facture » ou le métier, ni le style, ni même, en