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l’importance. Il lui a mis notamment dans la bouche un long discours fort bien fait, sur les libertés de l’Eglise gallicane, qui n’a que le défaut de n’avoir jamais été prononcé. Les historiens, même « consciencieux, » prennent parfois de ces libertés. Puis, à son retour en France, Amyot, grâce encore au cardinal de Tournon, était nommé précepteur du Duc d’Orléans et du Duc d’Anjou, le futur Charles IX et le futur Henri III, dont on serait tenté d’expliquer par là les goûts littéraires. L’aîné de ses élèves, quatre ans plus tard, en faisait le personnage considérable qu’était alors un « grand aumônier de France, » 1559. C’est alors qu’il publiait sa première édition de la traduction des Vies parallèles. Il devenait évêque d’Auxerre en 1570, publiait en 1572 sa traduction des Œuvres mêlées, que l’on cite moins, mais qui n’a pas été moins lue, ni pillée, par Montaigne, entre autres, que sa traduction des Vies, et il vivait ou se préparait désormais à vivre tranquillement dans son palais, entre ses devoirs d’évêque et ses occupations d’érudit, quand tout d’un coup sa fortune s’obscurcissait, et, d’une autre manière, la fin de sa carrière était aussi tourmentée que le commencement en avait été rude.

Quels étaient contre lui les griefs de ses diocésains, et en particulier ceux des cordeliers de sa ville épiscopale ? On ne sait. Toujours est-il que son malheur ayant voulu qu’il fût présent à Blois, de sa personne, et dans ses fonctions de grand aumônier, lors de l’assassinat du duc de Guise, un moine d’Auxerre l’accusa d’avoir trempé dans le crime, puisqu’il ne l’avait pas flétri, et, feinte ou simulée, il semble bien que la ville entière se soit associée à l’indignation du moine. Il essaya d’un peu loin, ce qui n’était pas très brave, d’apaiser ce tumulte. Il n’y réussit point, et quand il dut rentrer dans Auxerre, l’effervescence était telle qu’il y faillit deux fois au moins être massacré. Ce fut sans doute son grand âge que l’on épargna. Mais on ne lui mesura ni les injures, ni l’outrage, et son chapitre même prétendit lui interdire l’exercice de ses fonctions épiscopales jusqu’à ce qu’il se fût justifié des imputations dirigées contre lui. Il dut se résigner à présenter une Apologie, que l’on pourra considérer, si l’on veut, comme formant, avec quelques lettres, son œuvre « originale. » Cette concession, toutefois, ne devait pas suffire, et il fallut que, pour pouvoir remonter en chaire, il sollicitât et obtînt du cardinal Cajetan, légat du Pape, une absolution en forme, dont les termes sont un peu durs. On lui remet en effet