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mais au XVe siècle une telle disposition, si elle s’était établie, aurait attribué à Rome bien plus encore qu’une influence morale, la disposition d’une fortune immense. Les biens ecclésiastiques formaient la plus grosse partie de la fortune française ; leurs revenus étaient énormes ; et si le Pape s’ingérait dans la distribution non seulement des évêchés et abbayes, mais, — ainsi qu’il y tendait, — des bénéfices inférieurs, grosses cures ou modestes chapellenies, il devenait le vrai dispensateur de la fortune en France. Si par surcroît il appelait à Rome les causes intéressant de près ou de loin les bénéficiaires, — ils ne formaient pas loin d’un million, — non seulement il prélevait ainsi, grâce à des frais de justice considérables, un impôt notable sur le pays, mais il troublait l’ordre de la justice. Et si, finalement, il frappait d’un droit élevé les milliers de bénéfices qui vaquaient chaque année, il appauvrissait une fois de plus le royaume de telle façon que ce n’est point, au XVe siècle, le Roi, jaloux de son influence, ce n’est point le chancelier, chef de la justice, mais bien le ministre, surintendant ou général des Finances, qui, devant les résultats de l’intervention de Rome, fronce les sourcils et se récrie.

Rien n’était plus fatal que, sous couleur de traditions sacrées à rétablir, les intérêts se révoltassent : révoltés, ils se devaient coaliser. Ils étaient divers. Rome commit une maladresse : s’arrogeant un droit encore peu assuré, elle eût dû en user avec ménagement et prudence ; mais il est impossible à qui répartit une grosse fortune d’oublier ses amis. La Curie distribua aux siens des bénéfices français. De modestes prêtres italiens se trouvèrent largement dotés ; des cardinaux romains l’étaient au point de posséder plusieurs évêchés, aux rives du Rhône, de la Garonne, de la Loire et de la Somme. Ce spectacle indignait les régnicoles, les prêtres indigènes, et plus particulièrement les universités, hauts séminaires où se formaient alors canonistes et théologiens. Si le Pape avait accordé à leurs suppôts les bénéfices dont il s’attribuait la disposition, aucune des quatre Facultés ne se serait insurgée : mais, devant l’intrusion des étrangers, leur nationalisme intéressé cherchait dans la tradition des armes pour venger leur querelle et rétablir leurs droits. C’est pourquoi l’Université de Paris demandait le rétablissement des « élections apostoliques, » comptant fournir seule les candidats.