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Le Parlement de son côté voyait avec jalousie l’appel à Rome et avec inquiétude ses conséquences. Ce corps important se regardait comme la forteresse où les droits du royaume s’étaient réfugiés. Il devait les défendre avec ou sans le Roi, au besoin malgré et contre lui. Beaucoup de ses membres sortaient de « l’ostel du Roy. » Depuis deux siècles, ils se recrutaient parmi ces légistes auxquels Philippe le Bel avait si largement ouvert ses conseils et qui, depuis, peuplaient la cour. Car c’est une illusion que la Révolution a créée chez nous, de s’imaginer nos rois dans le passé entourés de chevaliers bardés de fer : ils ne l’étaient que de robins fort bourgeois. Depuis que Philippe le Bel avait, avec son Nogaret, tenu tête à Boniface VIII, la tradition se maintenait, fort âprement formulée parfois. Ces conseillers qui appelaient le Parlement un Sénat, se considéraient volontiers comme les héritiers de César contre Pierre. Dans nos passions anticléricales actuelles, on distinguerait, plus qu’on ne le croit communément, l’effet de cette lointaine influence. En ces jours du XVe siècle, il ne s’agissait pas d’autre chose, affirmaient ces magistrats, que de défendre la fortune du pays et ses tribunaux contre les exactions de Rome et ses excès de juridiction. Mais ces légistes, dans la tradition césarienne, n’étaient pas fâchés d’avoir à batailler contre le successeur, quel qu’il fut, de Grégoire VII et de Boniface VIII.

Le haut clergé se recrutait en grande partie parmi les membres des universités et dans les familles parlementaires. Beaucoup de prélats, il est vrai, avaient reçu de Rome, par suite des usages que la Curie tentait d’établir, l’anneau et la crosse ; mais une fois pourvus, ils vivaient sous l’influence de leur entourage. Si certains avaient eu recours à Rome pour se faire désigner, ils trouvaient fort mauvais de lui payer l’impôt. Ils entendaient nommer librement aux bénéfices inférieurs où leurs prédécesseurs avaient eu privilège de pourvoir, et, cependant, voyaient Rome allonger son bras vers les cures et les diaconés. Ils se défiaient des congrégations, et particulièrement des ordres mendians. Enfin ils eussent voulu connaître sans appel des causes ecclésiastiques. Même nommés par Rome, ils s’insurgeaient donc contre l’ingérence romaine. L’épiscopat français, et derrière lui, disait-on, le clergé, formait le troisième personnage de la trinité gallicane dont l’Université et le Parlement, — ses cousins, — étaient membres si actifs.