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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/305

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instrument de règne excellent contre Rome, mais d’un maniement dangereux, l’arme à deux tranchans. Parlementaires si décidés à défendre contre le Roi même les droits du royaume, universitaires que l’émeute au pays Latin n’effraye pas, évêques dont l’humilité est apparente et grand l’orgueil, paraissent à ces rois Valois de ces terribles amis dont on prie volontiers le ciel de vous délivrer.

Seules de pareilles dispositions, facilement perceptibles chez un Charles VII, visibles chez un Louis XI, éclatantes chez un François Ier, — mais qui datent de loin, — éclairent toute cette histoire. Une politique un peu louvoyante, mais persévérante, en découle, dont la Pragmatique acceptée, retirée, ressuscitée, est une manifestation singulière, mais dont le Concordat, conçu dès 1440, tenté en 1472, conclu en 1516 est la fin, en ayant été le but vite avoué.

Certes on laissera les gallicans exalter la personne royale, en faire un personnage sacré, « personne mixte, écrit l’un, c’est-à-dire temporelle et ecclésiastique, » « non personne laye simplement, dit l’autre, mais le premier en votre royaume qui soit après le Pape, le bras dextre de l’Eglise. » Et par là on laisse croire à ces serviteurs zélés qu’on pourra être un jour le protecteur intransigeant des libertés gallicanes. Au fond, ces libertés gallicanes ne paraissent appréciables et légitimes que pour être dressées contre Rome. On les dressera ; on provoquera les assemblées d’évêques ; on leur soufflera au besoin les déclamations contre la Curie « qui ne paît point les brebis, mais les tond, » et les décisions les plus téméraires ; on sanctionnera ces résolutions ; on leur donnera force de loi.

Par là on atteindra deux buts d’un seul geste. En 1438, on est encore trop affaibli par la crise de la guerre de Cent ans et de l’usurpation anglaise pour résister à ce qui semble la volonté la plus chère de toute une partie de ce gouvernement à côté, Conseil du Roi, Parlement, Université, Clergé. N’a-t-on pas par surcroît la féodalité à réduire, et contre les grands vassaux laïques, n’est-il pas prudent de s’appuyer sur les deux autres ordres du royaume, bourgeoisie parlementaire et clergé issu des Universités ? Les satisfaire paraît opportun : ils sortiront de Bourges en 1438 croyant avoir gain de cause.

À Rome, on laissera croire qu’on poursuit énergiquement le dessein de constituer une Eglise française, ne reconnaissant que