Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/318

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Alphonse de Segura. Ce légat était porteur de quelques cadeaux, de tasses d’argent pour le Roi, et pour la favorite, Agnès Sorel, de faveurs spirituelles dont elle avait assurément le plus grand besoin.

Charles VII parut alors plus traitable. Il provoqua, bien entendu, une nouvelle assemblée du clergé à Chartres et les lettres de convocation portaient, — grande audace, — que la réunion serait appelée à remplacer la Pragmatique par un Concordat. Il y eut grand débat : un fort groupe soutenait que la France, en maintenant sa Pragmatique, s’engageait dans la voie schismatique. Il fallut faire jouer un grand ressort ; Machet tira de dessous sa robe, en guise d’arme terrible, un faux magnifique, l’un des plus célèbres que l’histoire ait à enregistrer, la Pragmatique de Louis IX. On accusait Charles VII de faire un schisme : le dirait-on encore quand on saurait qu’on avait retrouvé dans les Archives du royaume une Pragmatique édictée par le saint roi Louis IX ? Il brandit le papier, que d’ailleurs il tenait sincèrement pour authentique, mais ne le montra point et fit bien. Il était faux. Néanmoins, la manœuvre emporta le vote qui fut défavorable aux offres du Pape. Maintenant qu’ils se couvraient du saint roi Louis IX, les écrivains aux gages de l’Université, — et par exemple Martin Berruyer, — attaquaient Rome avec une nouvelle vivacité, rappelant les abus, les méfaits, les tyrannies. Nos journaux les plus avancés eussent fait bon accueil à Berruyer. Il parlait du Pape comme d’un souverain étranger : le mot, on le voit, n’est pas d’hier. On devait, d’ailleurs, l’entendre prononcer dans toutes nos crises d’anti-papalisme : à la Constituante, à la Convention, dans les Conseils du Directoire, — et dans nos Chambres du XXe siècle.

Il n’y avait plus grand espoir pour le Pape de faire abroger la Pragmatique. Chaque nouvelle légation provoquait une manifestation gallicane plus accentuée. Celle de Guillaume d’Estouteville, la dernière, échoua devant la troisième assemblée de Bourges où la Pragmatique fut, en août 1452, rééditée et derechef proclamée immuable constitution de l’Eglise de France.

Nicolas V parut découragé : il répondit par une lettre plus attristée qu’irritée. Son successeur, Pie II, un des plus grands de cette magnifique suite de pontifes, moins patient, fulmina : au Concile de Mantoue, l’illustre Pape revendiqua tous les droits de Pierre à la direction de l’Eglise, flétrit ces prétendues