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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/32

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écrivains, le traducteur de Plutarque aux plus grands. Nous pouvons peut-être nous borner à dire que nous ne le croyons pas.

Mais elles expliquent sa popularité, la durée de sa réputation, et la profondeur de son influence. Car, assurément, — et pour nous en convaincre, il suffit de jeter un coup d’œil sur l’histoire de la littérature anglaise, — peu de livres ont plus contribué que le Plutarque d’Amyot, on ne peut pas dire encore et l’expression serait prématurée, à la « diffusion européenne de la langue et de la littérature françaises, » mais à préparer à celte, littérature et à cette langue leur public européen. Rabelais et Ronsard étant destinés à devenir promptement, même pour leurs propres compatriotes, des « auteurs difficiles, » celui-ci s’est trouvé d’abord parfaitement intelligible à tous, et serons-nous surpris qu’on lui en sache ou qu’on lui en ait su quelque gré ?

Sans doute, c’est aussi pourquoi nous allons maintenant le retrouver, pour ainsi dire, tout du long de l’histoire de la littérature française, et, quoique ce soit un peu anticiper sur l’ordre des temps, c’est ici qu’il convient d’en faire la remarque. Nulle influence plus profonde, mais surtout plus pénétrante. C’est du Plutarque d’Amyot que nous allons voir l’un après l’autre sortir les sujets préférés de la tragédie française, et, plus particulièrement, la conception et la matière de cette « tragédie politique » dont l’intérêt est fait de l’enchevêtrement des plus grandes questions de la politique dans une intrigue d’amour. Les « héros de Plutarque, » l’expression va devenir proverbiale, quoique, à bien y regarder, il n’y ait pas tant de héros dans les Vies Parallèles. Mais c’est l’impression générale, et une impression agissante : on ne sait pas très nettement ce que l’on veut dire, on serait embarrassé d’avoir à le préciser davantage, mais on s’entend parfaitement. C’est ce que nous verrons nous-mêmes quand nous arriverons aux débuts de notre tragédie classique. De même que l’Iliade est à l’origine de la tragédie grecque, ce qui ne veut pas dire que Sophocle ait emprunté d’Homère le sujet d’Œdipe à Colone, pareillement le Plutarque d’Amyot, les Vies Parallèles, sont l’origine de la tragédie française. Il y a là des « cas humains, » répétons le mot, qui sont demeurés comme les modèles de tous les cas du menu ; genre, des motifs ou des thèmes d’invention pour trois ou quatre générations d’hommes, et le Plutarque d’Amyot nous apparaît ainsi comme inséparable de l’histoire et de la fortune d’un genre avec