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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/327

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Le Roi n’avait, au fond, jamais aimé le Pape. Ce Jules II, arrogant et éminent, magnifique type d’énergie qui force l’admiration plus que la sympathie, avait toujours dû inspirer à Louis XII l’antipathie que les esprits faibles réservent aux esprits forts. La France était l’alliée de Rome que déjà son roi s’exprimait en termes violens au sujet du rude pontife : « ce fils des paysans ! il faudrait le mener au bâton ! » Ce sont là mots dangereux qu’un souverain, même moins altier que Jules, n’eût point pardonnés. Il se vengea en abandonnant et presque en bafouant le Roi.

Joué, trahi en Italie, Louis XII s’exaspéra ainsi que le font les faibles. Il saisit toutes les armes, encore que l’une après l’autre elles se brisassent dans ses mains maladroites. Les gallicans lui en tendaient une, l’éternelle Pragmatique que, le 18 mars 1503, les Facultés, alors émues des bonnes dispositions du Roi pour Rome, avaient cru devoir, pour la centième fois, affirmer, en dépit des actes passés de Louis XI, immuable base des lois du royaume. Le Roi saisit l’arme et essaye d’en accabler le Pape. Mais, de ce fait, il méconnaît la politique de ses prédécesseurs : l’arme forgée à Bourges n’a jamais été destinée à trancher les liens qui unissent Rome à Paris, mais à faire peur à Rome. Louis XII entend l’employer à une vengeance : conception détestable. Un gouvernement que pousse la haine ne saurait faire œuvre d’Etat. Pour commencer il fit ce qu’aucun de ses prédécesseurs, beaux joueurs lorsqu’ils jouaient avec Rome, n’eût assurément fait : il rompit les relations et pria le nonce Leonini de quitter le royaume. C’était un brave homme de nonce conciliant et aimable, qui, d’Avignon où il se retira, essaya maintes fois d’apaiser le conflit.

Les évêques, ces « chapelains du Roy, » offraient cependant leur concours : il fut accepté. On vit dans les assemblées d’Orléans et de Tours, à l’automne de 1510, se reformer la vieille coalition gallicane dont Bourges avait connu le triomphe. Les universités exultaient : le Parlement rejetait sur le Pape tous les torts qui cependant étaient fort partagés. Le clergé assemblé encourageait le Roi à tenir tête à Jules, « notoire ennemi. » De Lyon, de Blois, le Roi lançait des ordonnances qui rétablissaient formellement en toute sa rigueur la « sainte Pragmatique. » Et