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istius loci fundalricis[1]. De plus, on y conservait la charte de fondation du monastère, qui commence ainsi :


Ego, Gerardus, divinae pietatis munere apud gloriosam regalem mansuetudinem comitis honore sublimatus, ex communi voto et desiderio dilectissimae conjugis meae atque amantissimae Bertae,… quoniam largitionibus piis dominorum et seniorum nostrorum, qui nos liberalissime honoribus et dignitatibus ampliaverunt, id est imperator senior noster clementissimus Ludovicus et gloriosa domina et regina Judith, filiusque ipsorum aeque senior atque dominus noster rex Karolus, plurima nostra possidenda accreverunt, justissime nobis visum est ut, corum amore incitati, locum etiam ipsum fundaremus[2]


Et ces quelques lignes de latin conservent les trois traits historiques qui se retrouvent dans la chanson de geste : le nom de Girard et celui de sa femme Berte, le nom du roi Charles, le souvenir des fondations pieuses des deux époux : Vézelay et Pothières sont, il va sans dire, nommés plus loin dans l’acte.

Bien d’autres églises, Notre-Dame et Saint-Lazare d’Avallon, Saint-Maurice de Vienne, Saint-Jean de Lyon, Saint-Pierre d’Auxerre conservaient en leurs nécrologes la mémoire de leurs fondateurs ou bienfaiteurs, Girard et Berte[3]. On montrait encore au XVIe siècle dans l’église métropolitaine de Lyon une nappe d’autel, ornée de seize vers latins tissés de fils d’or, et c’était un présent de la comtesse Berte :


Sumat perpetuam pro facto Berta coronam[4].


Mais c’est à Pothières surtout, auprès de leurs tombeaux, que vivait le souvenir de Girard et de Berte, et, pour l’y recueillir, supposé qu’il n’ait existé au IXe siècle ni scaldes ni « cantilènes, » ni aèdes ni « chants lyrico-épiques, » il suffisait au premier venu au XIe et au XIIe siècle de passer le seuil de cette église.

Ce seuil, les jongleurs l’ont-ils jamais franchi ? Nous n’avons jusqu’ici aucune raison de le supposer. S’ils l’ont fait, quel intérêt pouvaient leur offrir, à deux ou trois siècles de distance, les noms de ces pieux personnages ? Entrons nous-mêmes dans cette abbaye.

  1. Mabillon, Annales ordinis s. Benedicti, t. III, p. 143.
  2. Cette charte a été souvent publiée, en dernier lieu par Quantin, Cartulaire général de l’Yonne, Auxerre, 1850, t. I, p. 78.
  3. Longnon, p. 263 ; cf. Poupardin, p. 366.
  4. Voyez De Terrebasse, ouvr. cité, p. XII ; ces vers ont été réimprimés en dernier lieu par Traube, Poetae latini medii aevi, t. III, p. 687.