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sciences divines et occultes, les magistrats et officiers à commander, juger et pourvoir au gouvernement de l’État, le menu peuple au labeur et aux arts mécaniques. Nous pouvons dire le semblable de la république universelle de ce monde, que Dieu a tellement ordonnée par une sagesse émerveillable, que les peuples de Midi sont ordonnés pour la recherche des sciences les plus occultes, afin d’enseigner les autres peuples ; ceux de Septentrion au labeur et aux arts mécaniques, et les peuples du milieu pour négocier, trafiquer, juger, haranguer, commander, établir les Républiques, composer lois et ordonnances pour les autres peuples. À quoi l’homme septentrional, par faute de prudence n’est pas propre, et le Méridional, soit pour être adonné par trop aux contemplations divines et naturelles [il songe ici sans doute à Pythagore et à Archimède], soit, qu’il ait faute de cette promptitude et allégresse qui est requise aux actions humaines, soit qu’il ne peut ployer en ses avis, ni dissimuler, ni porter la fatigue des affaires publiques, qui est nécessaire à l’homme politique… [République, V, ch. 1.]


N’est-ce pas dommage que cette page soit immédiatement suivie de celle-ci, dont nous nous contenterons de rappeler les premières lignes ?


Et il semble que ceci soit figuré par la fable… de Jupiter…, car qui prendra garde à la nature des Planètes, on trouvera que la division d’icelles s’accommode aux trois régions que j’ai dit… donnant la plus haute planète qui est Saturne, à la région méridionale, Jupiter à la moyenne, Mars à la partie septentrionale, etc.


Évidemment, c’est bien ici la « théorie des climats, » et Montesquieu peut désormais venir. « La nourriture passe nature, » c’est encore une expression de Bodin, et par « nourriture, » il entend l’ensemble des conditions qu’il considère comme capables de modifier la nature, et surtout, et d’abord, l’influence des « airs, des eaux et des lieux. » Les différentes races d’hommes étant nées avec des aptitudes originelles ou « congénitales, » que l’on « suppose » d’ailleurs ou que l’on « imagine » un peu arbitrairement, bien plutôt qu’on ne les retrouve chez les « septentrionaux » ou les « méridionaux » de nos jours, ces aptitudes se sont elles-mêmes modifiées ou transformées jusqu’à devenir, au cours des âges, le contraire d’elles-mêmes. C’est, entre autres exemples, ce que Bodin ne craint pas de dire des Romains « qui ont du tout perdu la splendeur et vertu de leurs pères, par une oisiveté lâche et couarde. » Et ces transformations sont difficiles à saisir parce qu’elles sont lentes. « Si le peuple est transporté d’un pays en un autre, vrai est qu’il ne sera pas sitôt changé que les plantes qui tirent leurs sucs de la