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lacérée de traits de feu, nous on avons regardé qui s’amusaient à des danses de bataille venues de chez les Baras : maigres et souples, ils s’enroulaient en cercle, puis se déroulaient en s’espaçant, s’arrêtaient sur des reins cambrés en dardant leur sagaie, reprenaient la marche tournante avec des genoux saccadés, battant sèchement d’une baguette un petit bouclier rond, tandis qu’un tambour de cuir sonnait sa cadence caverneuse contre les parois rouges de la vallée. Mais, de bonne heure, ils se montrent plus musiciens que belliqueux : le plus spontané plaisir de ces petits êtres indépendans est de se grouper pour chanter en plein air. À Tananarive, quand descend le crépuscule, on écoute monter des terrasses distantes, sous les obscurs vergers de manguiers, tout un concert de voix d’enfans, si accordées qu’on les suppose assemblés. Il se prolonge très tard dans la nuit, s’élevant indiscontinu et frileux comme des chants d’oiseaux sous la lune naissante. Lointainement des feux de brousse brillent aux petites portes des cases. Les fumées bleues, après avoir nimbé les maisons, se dissipent dans l’air glacial ; on n’entend plus sur la plaine de l’Emyrne que cette mystérieuse et interminable histoire psalmodiée comme une prière par tout un village d’enfans aux voix de sources. Un soir, au bord du lac Itasy, nous en vîmes qui, tassés l’un près de l’autre autour d’un tombeau, recroquevillés dans leurs lambas pâles, chantèrent jusque fort tard aux étoiles, avec des voix frêles qui s’essayaient à la solitude de la nuit, tandis que le seul bruit de la terre était l’intarissable ruissellement de la rivière Lily où clapotait le trop-plein argenté du lac.

Heureux, l’enfant croît dans l’amour de la famille : l’union familiale chez les Malgaches, les Mérinas surtout, est très resserrée. Il demeurera toute son existence attaché au sol, à la case des ancêtres, à ses parens ; et ainsi l’homme sera toute son existence un enfant parce qu’il reste enfant devant la terre natale, devant les ancêtres, devant son père et sa mère. Une poésie très répandue prédit des malheurs à celui qui quittera son foyer. Un poème merina recueilli par M. Carol consacre ce pieux attachement du fils à la famille :


Que mon père et ma mère soient bénis ! — C’est chez eux que je reviendrai toujours, quand je me déplairai ailleurs. — Quand la tristesse me gagnera, j’irai les visiter. — Ils sont notre orgueil et notre protection, à nous faibles enfans. — Mes amis, quand j’étais loin d’eux, mon pied s’est souvent heurté contre la pierre traitreusement cachée sous l’herbe. Loin du foyer, j’ai