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Il n’admire point la beauté qui fait souffrir et sait critiquer spirituellement la coquetterie : « Si vous allez au loin vers le Nord, vous rencontrerez les trois filles de Takatsara ; elles sont jolies, ces trois filles. Mais pourquoi ne se marient-elles pas ? Il n’y a, sachez-le bien, aucune différence entre la femme laide et la jolie fille qui ne se marie pas. La beauté ne sied qu’aux femmes qui désirent un mari. » Le sentiment que la beauté n’est jamais plus souveraine que lorsqu’elle se réalise dans la joie de l’homme, va jusqu’à se raffiner de convoitise communiste : « Ils étaient tous les deux très beaux et d’une tournure si élégante qu’en les voyant passer chaque fille désirait ce garçon et chaque garçon cette fille. » Mais il a parfois une forte expression morale : « Une jeune femme jolie qui ne respecte pas son mari ne vaut pas une autre qui, déjà mère d’un enfant, n’a que de beaux yeux. »

La beauté féminine, qui chez les peuplades les plus primitives se manifeste et est goûtée uniquement dans le corps, se marque à la figure chez les peuplades les plus civilisées, en même temps qu’elle se différencie de plus en plus de l’apparence masculine. Alors elle s’orne, empruntant parfois la matière de sa parure aux produits locaux, mais non la forme qui semble garder le style de très vieilles coutumes des premières patries. La femme bezanozano est si simple qu’elle porte le même costume rudimentaire, la même coiffure à boucles graisseuses que l’homme : dans un visage ovale, mâle, un peu de la douceur féminine allonge des yeux soumis. Pour susciter le désir au cœur de son maître brutal et batailleur, la femme bara qui a la figure osseuse et bouffie au point qu’on la croirait piquée des guêpes possède un torse lisse où la poitrine s’arrondit avec charme. La Tanala, qui vit généralement nue, revêt de tatouages ses jambes robustes pour séduire le forestier. D’un enduit de kaolin et de safran, l’Antakarana se peint les tempes. Avec ses prunelles grandes ouvertes sous des sourcils arqués d’intelligence, sa face doucement hardie dont l’ossature et les joues s’harmonisent à la carrure et à la plénitude du buste, la Betsileo se contente d’appliquer sur les coques noires de sa chevelure un grand anneau d’argent qui y luit de blancheur comme un croissant de lune. La Betsimisaraka sensuelle enroule son galbe potelé dans des châles de coton aux fleurs éclatantes et couvre d’une capeline surchargée de rubans aux tons acides son minois grêlé et comme