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chargées de les défendre : si l’une d’entre elles est outragée, la femme-chef réunit son conseil et demande justice au clan des hommes. La Sakalave jouit presque des mêmes droits que son mari, mais elle paie cet avantage par une somme considérable de travail : c’est elle qui reçoit et ramasse l’argent, règle les dépenses, prépare la nourriture qu’elle sert au maître dans un plat spécial, distribuant les parts à table. Mais quelle que soit son aspiration à une émancipation progressive, voire à l’égalité, la femme malgache s’accommode pacifiquement de la polygamie : cet usage ancestral contre lequel elle ne songe même pas à s’élever, assure une division du travail à laquelle elle trouve toujours quelque bénéfice. Les épouses vivent en excellent accord, les dernières venues se montrant bienveillantes aux premières suivant le conseil du proverbe : « Il n’est pas bien pour une pintade au beau plumage d’abandonner la poule habituée de la maison. » La jalousie n’existe, — et alors féroce, — que contre la dame blanche chez les Betsimisares. Au contraire, elles trouvent dans leur cohabitation le grand attrait du bavardage, essentiel à leur race. Chez les Tsimihetys, les femmes partagent en parfaite harmonie une vie militairement réglée : sur un commandement de l’épouse du chef, elles vont à la fontaine, aux rizières, préparent le repas. Foncièrement, la Malgache est courageuse au travail : elle passe des journées dans l’eau à pêcher, ou, courbée sur la boue des rizières, à piquer le riz ; elle accomplit aussi de longs voyages, équilibrant de ses bras polis sur la tête des fardeaux de bois, de briques, de sacs de riz.

Pourquoi est-ce la femme qui travaille ? Ce n’est point, le plus souvent, comme chez les Marocains, par soumission forcée au mari brutal, mais plutôt peut-être par émulation dans le ménage ; besoin de prouver sa vigueur sans y être obligée, entraînement nerveux et instinctif à supporter après les peines de la maternité celles du ménage : du moins est-ce ce que vous suggère la connaissance de cette gent fanfaronne et exubérante ! Dans le ménage, c’est l’homme qui, avec dédain et spirituelle raillerie, abandonne les travaux à la femme. Supérieur à elle, il est dilettante. « Rares sont les Malgaches qui meurent comme les hannetons, attachés à la même tige d’arbrisseau. » Ayant son lit au-dessus de son poulailler, il invoque pour expliquer son inconstance que, « attirés par la vue des jeunes pintades au joli plumage, les hommes rejettent les vieilles poules habituées à la