Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/404

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maison. » En conséquence, il ne s’autorise point à demander la fidélité à sa femme. Ainsi l’époux et l’épouse betsileo ou sakalave, entre tous, rivalisent-ils d’indépendance insouciante : le mariage est une trame de vol galant et de complaisance artiste.

Moins guerrier et plus raffiné de sentiment, plus intelligent aussi de l’économie de sa vie et de son bien, le Merina (Hova) est de tous les Madécasses le plus porté à la monogamie. Attaché à sa terre, à sa famille, à ses ancêtres, il comprend la poésie de l’attachement à l’épouse. Un de ses proverbes dit : « Aime-moi comme la source qui donne peu d’eau à la fois, mais qui en donne beaucoup. » Un autre prescrit : « Faites du mariage ainsi que les poules font de leur plumage qu’elles ne quittent qu’à la mort. » L’homme, dans cette race casanière, tient la femme pour son égale : « Il faut s’abstenir d’orgueil pour que notre chérie puisse nous aimer tendrement. »

On pressent la facilité naturelle avec laquelle s’effectue le divorce chez ces races qui, violentes ou mélancoliques, ne connaissent pas la force durable du sentiment. Quand le mari a décidé de divorcer, il envoie ses parens chez ceux de son associée : alors ils enveloppent de sentences leur décision dans un palabre familial où les comparaisons ingénieuses jouent toujours un rôle diplomatique : « Les époux sont parfois de l’humeur des enfans qui gardent les bœufs : ils peuvent revenir dans les prairies qu’ils ont quittées si celles-ci leur offrent encore quelque attrait : mais s’ils en sont vraiment dégoûtés, ils les abandonnent pour toujours. C’est notre cas… Mais, unis comme nous le sommes, nous ne saurions enjamber les jarres qui sont près de nous pour aller prendre de l’eau dans une jarre plus éloignée. » De part et d’autre on se souhaite bénévolement une heureuse union nouvelle sur cette conclusion philosophique : « On se marie pour pouvoir se séparer et la séparation causée par la mort est vraiment la seule qui mérite des regrets. » Le Betsileo n’a qu’à briser la cruche que la femme a portée en dot : c’est le signe suffisant de la répudiation : il ira boire à une autre l’eau quotidienne. Et l’enfant est répudié avec la mère. Il est un chant betsileo où la femme, si animalement changeante, si incapable d’attachement qu’on l’ait dite, laisse pleurer, outre son désespoir de mère, la douleur de l’épouse légitime délaissée :

Je suis perdue, car il m’a abandonnée — Hier dans l’après-midi. — Laissez-moi rester ici — Parce que vous avez de moi un enfant. — Je ne