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plus, c’est dans les premiers jours l’ennui, ou le dégoût des petites filles et leurs exigences. Elles pleurent et jeûnent, parce qu’elles ont quitté leurs parens ; mais, le grand air aidant, l’appétit revient, les larmes se sèchent, et le jour du départ elles ne veulent plus partir. D’autres prétendent que le lait ne vaut rien, et que les menus sont détestables. On va aux renseignemens : le lait était si pur, si frais, si différent du lait qu’elles buvaient à Paris, qu’il leur paraissait singulier, et par suite mauvais. Une petite-fille à qui une gardienne très bienveillante demandait : « Que voulez-vous pour votre dîner ? » répondait avec assurance : « Madame, chez nous, nous mangeons tous les soirs du roast-beef, et à midi de la volaille. » Les gardiens, eux aussi, causent parfois des difficultés. L’un d’eux refusa, une année, de garder, au prix convenu, les fillettes qu’on lui avait confiées. Elles mangeaient trop, disait-il, et il réclamait une indemnité plus forte. Souvent, après avoir promis de recevoir les petits Parisiens, les paysans reviennent sur leur promesse, le jour même ou la veille de l’arrivée, et souvent aussi, les petits Parisiens une fois installés chez eux, ils imposent, pour les garder, des conditions parfaitement inacceptables. Mais les ligueurs se consolent vite de ces petits ennuis, quand ils ont connaissance d’une lettre telle que celle-ci, écrite par la gardienne d’une petite fille à la mère de l’enfant. La petite fille était partie avec un fort maigre trousseau.

« Une personne voisine, écrit la brave paysanne, m’a donné une pièce de monnaie pour l’enfant, et m’a priée de lui acheter quelques petits effets qui lui manquaient ; les ouvrières vont venir demain à la maison pour lui faire ces petits vêtemens… Il ne lui manquera plus que des bas de laine et des galoches montantes, car ses souliers « pongent » l’eau et elle ne peut courir dans les prés le matin sans avoir ses bas tout mouillés ; donc, elle n’y va pas, et ce qui lui sourit le plus, ce sont les vendanges qui arrivent à grands pas. » Et ce post-scriptum qui est bien d’une maman à une maman : « La petite a beaucoup pleuré la première soirée ; depuis, elle a toujours été très gaie. » Et la petite écrit en même temps : « Je suis très bien, demande à Mlle T… (la demoiselle qui l’a fait partir) si je ne peux pas rester un mois de plus ; car je ne m’ennuie pas ; malgré cela, je pense toujours à vous, et je prie toujours pour vous. Je t’envoie timbre-poste, enveloppe et papier, à seule fin