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ou de Paul, et quels sont en lui les mobiles qui le font agir autrement que n’eussent fait Pierre ou Simon ? Nous n’en savons rien. Et c’est pour cela que les intérêts dont s’entretiennent devant nous ces inconnus n’arrivent pas à nous toucher.

On dit souvent, en effet, que les affaires d’argent n’intéressent pas au théâtre. Cela est vrai en un certain sens. Les questions d’affaires ne portent pas en elles leur intérêt, et elles ont tôt fait de nous ennuyer quand l’auteur ne nous fait apercevoir dans ces affaires qu’elles-mêmes. Elles cessent d’être ennuyeuses, quand elles sont la pierre de touche qui nous fait apprécier les âmes. Il n’est question que d’argent dans les Corbeaux, mais ces discussions, outre qu’elles découvrent la coquinerie de l’associé, du notaire, de l’architecte, dessinent l’image incertaine de la larmoyante Mme Vigneron, et le profil arrêté, net, de la pratique et courageuse Marie. Il n’est question que d’argent dans la Course du flambeau ; mais ces difficultés où l’on se débat mettent dans un relief accusé le caractère de l’intraitable grand’mère, en même temps qu’elles font jaillir du cœur de Sabine les puissances d’un amour maternel, dévoué jusqu’à la folie et dévoyé jusqu’au crime.

En second lieu, c’est une loi de la tragédie bourgeoise que la série des faits doit s’y dérouler avec le caractère de la nécessité. Elle nous met sous les yeux les effets de cette moderne fatalité, qui, dans une société fondée sur l’argent, s’appelle la ruine. Du jour où le chef de famille est mort, chez les Vigneron, du jour où le jeune nigaud de la Course du flambeau s’est engagé dans de mauvaises spéculations, tout le reste suit nécessairement ; c’est l’engrenage : il n’y a pas moyen d’échapper. Au contraire, dans la Maison d’argile, nous sentons que l’hypothèse est par trop arbitraire et que les données du problème laissent place à de tout autres combinaisons de faits. L’auteur, dans son argumentation contre le divorce, nous montre la ruine s’introduisant à sa suite dans une famille. Mais si par hasard, et comme il arrive, Mlle Armières, mieux inspirée dans son choix, avait pris un second mari plus riche que le premier et qui fût un galant homme ? Et nous savons que le cas n’est pas rare ; le divorce se prête aux calculs d’intérêt comme aux fantaisies sentimentales ; il peut être une excellente spéculation. — M. Fabre a fait de Mme Armières une divorcée. Mais il suffisait qu’elle fût remariée, et la pièce eût été sensiblement pareille. — L’auteur semble se ranger du parti des enfans qui reprochent à leur mère de les voler au profit de son second mari. Mais, d’autre part, ces enfans doivent-ils supporter l’idée que le nom