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des petits États, les hommes d’action qui dirigeaient le Verein trouvèrent une adroite tactique. C’est en déchaînant, un peu partout, le courant anticlérical, qu’ils frayèrent une route au courant prussien, « Pas de concordat ! » tel était le mot d’ordre. Il fallait que tous les gouvernemens allemands qui avaient osé suivre l’exemple de l’Autriche vinssent à résipiscence. « Pas de concordats ! » le mot sillonna l’Allemagne, éveilla dans les consciences protestantes, que ces échanges de signatures de princes et de prélats n’avaient pas tout d’abord émues, des échos soudains et bruyans. Des campagnes de presse commencèrent, des campagnes parlementaires suivirent. En Bade, en Nassau, en Hesse, dans tous ces petits États qui, selon l’expression de Boehmer, « vivaient au jour le jour comme des prolétaires, » les ministres que la Prusse réputait insuffisamment dociles furent ébranlés ou bousculés, et la victoire religieuse ainsi gagnée sur l’ « ultramontanisme » devenait le prélude de combinaisons nouvelles, qui feraient les affaires de la Prusse. Dans chacune de ces discrètes capitales où le nom même de l’Autriche, quoi qu’on en dit, produisait encore une impression de majesté, on pouvait constater que toute crise ministérielle amenée par la question cléricale ouvrait les avenues du pouvoir à des ennemis déterminés de l’influence autrichienne ; et c’est ainsi que le Nationalverein, par ses menées occultes auxquelles les influences maçonniques n’étaient pas toujours étrangères, multipliait les coups de sape contre les fondemens mêmes de l’établissement catholique. Quand Mommsen, au premier banquet de cette association, avait montré le poing à « l’engeance des Junker et de la prêtraille, » Mommsen définissait, trop haut peut-être au gré de ses collègues, la politique religieuse qu’on allait suivre. L’évêque Ketteler, très attaqué par le Verein qui visait, derrière lui, le ministre hessois Dalwigk, écrivait en 1862 : « Le Nationalverein est une association anticatholique, qui, du point de vue du rationalisme protestant, attaque la situation juridique de l’Église catholique en Allemagne, qui nous insulte, nous catholiques, dans notre foi, qui nous atteint dans notre droit. » Tel était le jugement de l’un des princes de l’Église d’Allemagne sur le puissant groupement dans lequel l’influence prussienne et les armées prussiennes trouvèrent, dix ans durant, de zélés recruteurs et de loyaux fourriers.

Religieusement et politiquement parlant, l’Association nationale