Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/586

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


VIII

Oui, tout était consommé ; oui, ce n’était plus l’Allemagne Mais cependant il fallait vivre, et le catholicisme allemand courait un très grave danger. La Prusse affectait, dans ses journaux officiels, de rendre d’aimables témoignages à la courageuse conduite des soldats catholiques du royaume, à la correcte attitude des citoyens catholiques, en même temps qu’à l’esprit de tolérance de son propre gouvernement. Mais à travers la presse allemande des bruits circulaient, s’accréditaient, d’après lesquels le clergé silésien aurait envoyé de fortes sommes en Autriche pour aider les armées de François-Joseph, et d’après lesquels les sœurs de charité, dans les hôpitaux militaires, auraient pris un atroce plaisir à mettre du vitriol dans les plaies des blessés prussiens. En Silésie, surtout, les prêtres étaient insultés et traqués. Un certain fanatisme grisé par la victoire ratifiait ainsi le verdict du Dieu de Luther et de Frédéric II, qui, dans la mêlée de Sadowa, avait su reconnaître les siens. Le rapide triomphe des armes prussiennes, ajoutait-on, avait conjuré le guet-apens que l’Autriche cléricale et concordataire avait peut-être projeté contre ses citoyens protestans. De Berlin, de Hambourg, on leur avait crié de se tenir sur leurs gardes ; puis la Prusse était arrivée, nouveau Gustave-Adolphe, pour les rassurer. Et les journaux du Nationalverein expliquaient fiévreusement qu’à Sadowa c’était la prêtraille catholique, l’esprit de hiérarchie religieuse, le papisme en un mot, qui avait été battu par la Réforme. Alors le catholique Ringseis, l’ancien médecin de Louis Ier de Bavière, ramassait avec âpreté tous ces récits et toutes ces thèses, et soulageait son intransigeance de patriote bavarois en anathématisant en plein casino de Munich la victoire de Sadowa, « dans laquelle l’évangile de Satan : « La force prime le droit, » fut couronné de succès. » — « Il faut en venir à la guerre entre l’Allemagne du Nord protestante et l’Autriche, avait crié, dès le 15 mai 1866, le recteur Becker, de l’université de Greifswald ; car en Autriche domine le catholicisme papal abrupt, qui empêche la liberté de penser. » Si Becker avait dit vrai, si la guerre de Sadowa avait été une guerre de religion, pouvait-on demander aux fidèles de l’Église d’admettre que les troupes prussiennes eussent à jamais prévalu contre elle ?