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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/587

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Entre l’exaltation du Nationalverein et l’exaltation du « légitimisme » allemand, il y avait une sorte de complicité, pour affirmer que, dans les plaines de Bohême, la Réforme, incarnée dans la Prusse, avait vaincu le catholicisme, incarné dans l’Autriche, oui, incarné en elle, redisaient certains catholiques avec des pleurs de rage, incarné en elle pour toujours, puisque derrière Berlin Luther s’étalait.

Chevaliers plaintifs du plus oiseux loyalisme, où visaient-ils et qu’attendaient-ils ? L’Autriche était expulsée de l’Allemagne, allaient-ils à leur tour s’en expulser eux-mêmes ? Telle était la question. Les protestations, même celles qui larmoient, ont besoin, parfois, qu’une émigration les sanctionne ; sinon, elles risquent d’être considérées comme des protestations pour rire. Autour de Mallinckrodt, un certain nombre de féodaux catholiques parlaient de s’expatrier en Autriche ; combien d’entre eux s’y décidaient ? Les émigrés de l’intérieur ne sont ordinairement dangereux que pour leur propre cause ; et l’héroïque obstination avec laquelle certains catholiques persistaient à contempler au loin, dans un pays qui avait cessé d’être terre d’Allemagne, la cime de la « Grande Allemagne » écroulée, créait au catholicisme allemand un péril de plus.

En ces heures d’ahurissement tragique, une voix enfin s’éleva, pour remettre un peu de lumière dans les esprits, un peu de paix dans les âmes : ce fut celle de Ketteler, évêque de Mayence. Westphalien d’origine, fonctionnaire du roi de Prusse en sa jeunesse, curé plus tard de la capitale prussienne, il connaissait les maximes de Berlin ; il savait, comme il l’écrira formellement en 1871, que la Prusse est protestante par toute son histoire, protestante par son esprit dominant ; et même, au moment du conflit entre l’archevêque Vicari et le gouvernement badois, il avait pu observer ou deviner les manœuvres anticatholiques de Bismarck. On ne pouvait le taxer de candeur ou l’accuser d’illusions. Son attachement à la maison d’Autriche était connu. « Les liens qui unissent à cette maison les cœurs des catholiques d’Allemagne, écrira-t-il encore en 1875, sont trop anciens et trop solides, pour que des circonstances extérieures aient pu les briser. » Bismarck, en dehors des jours de mauvaise humeur où il l’eût volontiers taxé de mauvais Prussien, l’estimait assez pour avoir, en 1865, rêvé de le pousser au siège archiépiscopal de Cologne. Quant à François-Joseph, il avait avec lui des rapports d’une