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affectueuse confiance. Au-dessus des décombres laissés par la guerre, — et ces décombres, c’étaient ceux du vieil édifice germanique, — le langage d’un Ketteler était assuré de planer.


La meilleure solution serait une grande puissance allemande avec tous les pays qui appartiennent à l’Allemagne, et, à la tête, un empereur. Ce serait la plus convenable.

La meilleure, ensuite, est une puissance allemande-prussienne, avec la frontière nouvelle.

Je demande : Une solution dans le premier sens est-elle possible ?

J’affirme : Non, et tous ceux qui l’espèrent sont dans les nuages, attendant l’impossible, et par là exposent leur patrie au plus grand péril.

J’affirme : Non, et cela, non à cause du Bismarck de Berlin, mais à cause des nombreux Bismarcks d’Autriche.


Il qualifiait de ce nom pittoresque : les Bismarcks d’Autriche, toutes les forces qui, de part et d’autre de la Leitha, travaillaient pour le principe des nationalités : la Hongrie d’abord, puis les Tchèques, puis le « parti juif-païen. »

Ainsi pensait-il, sur le papier, pour lui tout seul, dans un précieux brouillon que le P. Pfülf, son diligent biographe, a eu l’heureuse idée de publier ; et l’opuscule qui s’intitula : l’Allemagne après la guerre de 1866, ne fut qu’une mise au net de ces conclusions, avec les précautions oratoires voulues, avec les réticences séantes.

Echo ratificateur des canonnades de la veille, cette brochure émouvait d’autant plus, par la sérénité de son accent. Ketteler, avec le ton d’un historien, exposait les divers aspects des questions pour lesquelles le sang allemand venait de couler. Il expliquait, d’une part, que l’attitude de l’Autriche dans l’affaire du Schleswig n’avait pas été inattaquable ; il osait redire, d’autre part, que la Prusse avait commis un grave tort en s’alliant contre l’Autriche avec le parti de la Révolution. Le sort en était jeté : la Prusse avait vaincu ; et voici qu’autour de lui le découragement et le pessimisme sévissaient… C’est contre cet état d’esprit que s’insurgeait l’éloquence de Ketteler : « Avec une joyeuse confiance, insistait-il, nous devons, nous chrétiens, aller courageusement à la rencontre de toutes les nouveautés. Par là, nous sommes préservés de tout pessimisme, et nous échappons à cette triste habitude, paralysante pour toute bonne activité, de croire toujours que c’en est fait du monde si Dieu ne le dirige pas d’après nos courtes vues humaines. » Il fallait