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met-il cette note dans ses Additions et Corrections (p. 349) : « Mont Laçois est bien douteux ; il faudrait peut-être corriger Montargon[1] ! » Il n’y a pourtant aucune difficulté de forme. Mont Lascon correspond fort bien à ce montis perfugium Latisconi dont il est question dans la Vie de saint Loup[2], à cette ecclesia Montis Lasconis[3] dont parle la bulle d’Eugène III, à l’expression de la Vita : montem Latiscura, quem vidgus corrupte montem Lascum nuncupat. Et toutes les indications que la chanson de geste nous donne sur le château de Roussillon confirment fort nettement cette mention du mont Lascon. Selon le poète, Roussillon est sur une montagne qui domine la Seine (§ 90, 258, etc.) ; le voisinage de Châtillon-sur-Seine est sans cesse rappelé (§ 479, 559, etc.), et, par exemple, au § 617, quand Girard sort de Roussillon pour haranguer ses barons, le paysage est ainsi décrit : « Dans la plaine près la rivière, en aval de Châtillon, par l’esplanade et par les prés de Roussillon sont tendus les pavillons et les tentes. »

Que l’on se rappelle maintenant quelle place tient, dans la chanson de geste aussi bien que dans la Vita, ce château de Roussillon toujours convoité par le roi, pris par lui, repris par Girard, reconquis par le roi, puis par Girard encore ; et combien de batailles sont livrées sous ses murs, dans les « plaines herbues, » ou sur le sable des rives de la Seine, entre le mont Lascon et Châtillon ; qu’on se rappelle que ce château est l’orgueil et l’amour de Girard et de Berte ; qu’il est la dernière de leurs places fortes qui résiste à Charles, la première où ils rentrent après leur exil ; que c’est là qu’ils voient naître leurs enfans, là qu’ils les perdent, là qu’ils choisissent Dieu pour leur héritier, — et qu’on se demande pourquoi, la France étant grande et la Bourgogne vaste, l’auteur de la chanson de geste a choisi précisément ce coin de terre, à deux kilomètres de l’abbaye de Pothières.

Mais, a-t-on dit[4], « on ne trouve aucune mention de

  1. Il renvoie au § 202 où le poète, faisant allusion au même épisode, dit que Fouchier enleva les chevaux de Charles « sous Montargon. » Mais c’est ici que doit être la faute, et non à l’endroit où le Mont Lascon est nommé : il résulte des §§ 75, 78, 429 que Montargon est à une certaine distance de Roussillon et du § 119 qu’il est sur la rive droite de la Seine, tandis que l’épisode du larcin de Fouchier se déroule sur la rive gauche.
  2. AA. SS., t. VII de juillet, p. 70.
  3. Cf. dans le Cartulaire général de l’Yonne, t. I, p. 423-4, une charte de 1147, où il est question d’une « domum Marjot in atrio montis Lassonis sitam. »
  4. F. Meyer, Romania, t. VIl, p. 288.