Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/608

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

auprès des reliques de la Madeleine, que saint Bernard, à Pâques de l’an 1147, prêcha la croisade devant Louis Vil ; là que Thomas Becket, en 1166, lança l’excommunication contre le roi d’Angleterre ; là que des milliers de croisés vinrent prendre leur bourdon de pèlerins ; là que Richard Cœur de Lion et Philippe-Auguste se rencontrèrent au moment d’entreprendre le voyage d’outre-mer ? Mais nous n’avons pas à descendre si bas dans le cours des temps : seuls les commencemens du pèlerinage nous intéressent ici. Pour l’accréditer, les moines de Vézelay répandirent divers récits de la translation de sainte Marie-Madeleine. Tous appartiennent à la seconde moitié du XIe siècle ou aux premières années du XIIe : c’est dans le même temps qu’apparaissent la chanson primitive de Girard de Roussillon et la Vita Girardi comitis. Nous sommes enfermés entre ces deux dates : 1050 environ, où naissent les premières légendes sur la Madeleine bourguignonne, 1100 environ, où ce travail légendaire est achevé et où la tradition se fixe. Dans cette courte période de cinquante à soixante années, quatre récits ont été propagés tour à tour par les moines de Vézelay, dans l’ordre que voici :

1° Tout au début, sous l’abbé Geoffroi, donc aux alentours de l’an 1050, ils répandirent un premier écrit[1] où ils se bornent à raconter les plus anciens miracles accomplis auprès de la châsse de Madeleine. Mais cette châsse, comment l’avaient-ils ? Voici leur réponse ; elle montre que jusque-là ce problème ne les avait guère préoccupés : « Beaucoup de gens demandent comment il a pu se faire, puisque sainte Marie-Madeleine vivait en Judée, que son corps ait été apporté d’une région si lointaine jusque dans les Gaules. Il faut leur répondre en peu de mots que rien n’est impossible à Dieu et qu’il accomplit sans peine ce qui lui plaît pour le salut des hommes. Il faut en outre leur donner cette preuve certaine [de l’authenticité de nos reliques] que la plupart de ceux qui en ont douté ou qui nous ont opposé quelque contradiction ont été châtiés par Dieu, sur quoi ils sont venus ici confesser leur incrédulité et ils ont obtenu leur pardon par l’intercession de la servante du Christ... » D’ailleurs, ajoute l’hagiographe, elle m’est apparue à moi-même : « Un samedi, comme je m’étais recouché sur mon lit après avoir entendu les matines, je vis devant moi l’image d’une très noble dame debout

  1. Faillon, t. II, p. 731-32.