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qu’ils le tenaient dès longtemps pour avoir été un très habile chercheur de corps saints. On voit par des textes récens, du XIIIe et du XIVe siècle, qu’il passait alors pour avoir enrichi de reliques la cathédrale d’Autan, l’église de Saint-Maurice et Saint-Lazare d’Avallon, bien d’autres églises ; à Pothières il avait donné saint Eusèbe, à Vézelay saint Pontien, et encore des reliques de saint Pérégrin, de saint Vincent, etc.[1]. Ce peuvent être, dira-t-on, des fables tardives, provoquées précisément par la réputation qui fut faite à Girard, au XIe siècle, d’avoir retrouvé le corps de sainte Marie-Madeleine. Il n’en est rien : ce ne sont pas des fables, au moins pour une part ; c’est une tradition véridique ; et, qui plus est, c’est le marquis Girard lui-même qui a pris de son vivant toutes les précautions nécessaires pour qu’elle se formât et lui survécût.

Voici en effet un document curieux, qui a jusqu’ici échappé à l’attention des critiques littéraires[2].

C’est un récit des actives démarches faites par Girard et par Berte pour procurer des reliques aux monastères qu’ils venaient de fonder. Ce récit est parfaitement authentique, et a été rédigé du vivant de Girard, entre 871 et 874[3], peu après cette année 870 où Charles le Chauve avait assiégé Berte dans Vienne et y avait reçu la soumission du marquis Girard. Il est précédé de ce court préambule où le narrateur s’adresse à Girard et à Berte, parlant à leurs personnes :


Vous m’avez demandé, seigneur très illustre et aussi votre femme, aussi

  1. Voyez les Acta sanctorum, t. V du mois d’août, p. 113 ; Paillon, t. I, p. 822 ; P. .Meyer, Girart de Roussillon, p. XXXVI. Cf. ces vers du Roman de Girard de Roussillon, du XIVe siècle, éd. Mignard, p. 181) :

    Et dona a Girart li papes très bénignes
    Deux glorieus martirs de merites très dignes :
    C’estoient saint Eusebe ou tout saint Poncien…
    Le corps de saint Eusebe mist Girars a Poutieres :
    Enclos est dans l’autel ou reliques très chieres ;
    Le corps saint Poucien mist il a Verzclay.

  2. Il a été publié dès 1883 au tome II des Analecta Bollandiana. p.368-311 ; j’en dois la connaissance à M. Ferdinand Lot. Les Bollandistes l’ont imprimé d’après un manuscrit de Bruxelles qui date du Xe siècle ; mais le texte est bien plus ancien. Il remonte assurément à l’époque où vivaient Girard et Berte : tout le prouve, le style, l’exactitude des allusions à trois évêques donnés comme vivant alors : Rollannus, évêque d’Arles, et qui le fut en effet de 871 à 913, Walefridus, évêque d’Uzès, et qui le fut en effet de 857 à 879, Bernuinus, évêque d’Arles, et qui le fut en effet de 851 à 874.
  3. Puisque c’est entre ces dates seulement que l’on a pu nommer comme vivans et comme régissant dans le même temps leurs diocèses les trois évêques dont il est parlé à la note précédente.