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C’est parce qu’ils furent réellement non pas seulement de grands bâtisseurs de couvens, mais d’illustres procureurs de reliques, c’est parce qu’ils ont fait écrire le récit de leur beau voyage miraculeux et l’ont dicté, c’est pour cela que, deux siècles plus tard, au jour où les moines de Vézelay se demandèrent : « De qui pouvons-nous avoir reçu le corps de sainte Marie-Madeleine ? » ils se firent aussitôt à eux-mêmes cette réponse spontanée et presque nécessaire : « Nous les tenons des mêmes bienfaiteurs qui nous ont donné saint Pontien et saint Andéol, — de Girard et de Berte. »

On le voit : si Girard et Berte sont devenus personnages légendaires, c’est leur faute ; ils l’ont bien cherché. Mais ils ne sont entrés dans l’hagiographie que par la petite porte, pour ainsi dire, simplement en cette qualité de pourvoyeurs et de convoyeurs de corps saints. Les moines de Vézelay, dans leurs récits de la translation de la Madeleine, les confinent dans ce rôle modeste. Ils se bornent à dire que Girard était très noble, très riche, très aimé des rois de France et qu’il possédait par droit héréditaire la plus grande partie de la Bourgogne ; que Berte l’égalait par la naissance et par les vertus[1] ; qu’ils n’avaient pas d’enfans (ces moines ne s’étaient donc même pas donné la peine de relire l’acte de fondation de leur monastère, où une fille de Girard et de Berte, Eve, est nommée) ; que les deux époux abandonnèrent leurs biens à Dieu, qu’ils fondèrent des lieux saints et envoyèrent Badilon à la recherche de la Madeleine. Girard et Berte ne sont pour eux que des comparses, des « utilités. »


III

Les choses en seraient restées là, selon toute apparence, si le pèlerinage de la Madeleine avait eu un moindre succès. Mais quand les moines de l’autre abbaye, Pothières, virent les pèlerins affluer à Vézelay, quand ils surent que le corps de la sainte avait été procuré aux moines de là-bas par Girard et par Berte, Ils se souvinrent qu’ils avaient dans leur église, à gauche et à

  1. Paillon, t. II, p. 745 : « Maximam partem totius Burgundiae... jure hereditario possidebat... Uror non dispar natalibus, admodumque moribus egregia... « Toutes indications que l’auteur de la Vita Girardi comitis empruntera au récit de la translation de la Madeleine, comme l’a remarqué M. P. Meyer (Romania, t. VII, p. 233).