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symétrique des rizières malgaches, ni non plus celui avec lequel les femmes betsileos composent de leur chevelure de véritables mosaïques, et une indéniable parenté existe cependant entre les dessins de la coiffure des femmes et ceux dont leurs époux, patiemment, entaillent les hauts poteaux mortuaires du pays.

Ils commandent l’admiration, représentant assurément ce que l’esthétique madécasse a réalisé de plus grandiose. Du haut en bas, les surfaces de ces pylônes de bois sont divisées en rectangles où s’inscrivent des roues, des treillis de croix, des jeux de cercles et de croix en équilibre, guipure de bois délicate dans une matière rude dont la séduction gracieuse vient de ce qu’elle vous donne en même temps une impression de subtilité et de sauvagerie dans une composante de dessin préhistorique et d’ornementation orientale savante. D’autres fois, dans un quadrillage qui peut figurer un parc, la silhouette captive d’un zébu plie sur des pattes rondes et élève des cornes en lyre. Plus encore que dans l’ingénieuse alternance des motifs purement linéaires et des motifs d’un décoratif animalier, la beauté de ces dentelles de bois tient dans l’art par lequel le travail grossier de l’outil, resté sensible à la rugosité des surfaces, à l’inégalité des traits et aux gaucheries dans la symétrie, se transforme en harmonie pour les yeux. Il est plus naturel, plus vivant, parce qu’il est moins rigoureusement parfait que l’ouvrage arabe, lequel fait trop oublier l’effort de la main afin de faire admirer le calcul de l’esprit. Puis, tandis que la décoration arabe abolit ou défigure la matière qu’elle couvre et surcharge, l’ornementation madécasse laisse ici à la poutre sa beauté de tissu végétal en sorte que les lignes qu’y a tracées l’homme finissent par prendre des analogies naturelles avec les veines du bois ou les taraudages d’insectes.

Ceci achève de rendre inutile et fausse l’hypothèse de l’intervention arabe en laissant percevoir une authentique inspiration malgache, beaucoup plus intéressante, qu’on recueille chez toutes les peuplades des images d’animaux et d’hommes encloses dans les réseaux de. l’ornementation géométrique. L’Antaimoro, afin peut-être de conjurer les sorts, grave sur son bâton de route un caïman épineux et un scorpion griffu. Le Tanala vagabond fait défiler autour de gobelets de bambou, parmi des soldats, des bourjanes, des hommes à cheval et en filanzane, des bœufs en marche ascendante, des oiseaux repliant leur tête sous