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leurs ailes, volant au faîte de pagodes à étages ou picorant les insectes sur le dos des zébus. Par leur manque d’équilibre, par la langueur de la ligne à cerner l’objet, ces dessins rappellent ingénument ceux des Australiens. Le Betsileo intercale entre ses mosaïques de croix et de carrés des profils de bœufs non moins beaux dans leur raccourci frêle et prime-sautier que ceux que nous avons vus gravés d’un mouvement souple par des mains de bourjanes ou de pâtres sur les falaises rouges de la route d’Antsirabé à Fianarantsoa. « En Imerina, a écrit un spécialiste, jamais la représentation d’une plante et d’un animal. » Nous avons distingué cependant, dans des cases de villages perdus, des cadres de lits sur lesquels les Merinas du temps de Radama avaient creusé, d’un trait incisif, fin, proportionné, aussi militairement campé, d’une allure aussi impérieuse que les dessins assyriens, des frises où des musiciens à tiares, des soldats avec leurs lances paradent devant un souverain à long manteau. Le Merina ne s’est jamais interdit la représentation humaine, seulement plus rare parce qu’elle nécessite plus d’effort. Quant à la décoration végétale, on est au contraire frappé de découvrir que c’est celle qu’il préfère, peut-être par l’éclosion d’atavisme asiatique. Dans le palais de Radama, à Tananarive, on peut admirer les peintures de volubiles lianes à corolles blanches, légères, suspendues et ouvertes à la façon d’orchidées, qui grimpent sur un fond rouge, d’un mouvement oblique, parallèlement. Là une plante qu’on reconnaît pour la stylisation gigantesque de la grenadille, incurve vers le sol des palmes à forme de plumes, se subdivise en deux tiges identiques dont les feuillages symétriques, très puissamment colorés d’ocre et de pourpre, projettent vers le ciel et vers la terre l’abondance des fleurs et des fruits gros bleu et vermillon, puis s’érige, pareille à un pistil, unique. Il semble que ces mêmes motifs végétaux, taillés en relief dans la pierre, encadrent les portes des tombeaux : de chaque côté un stipe s’élève, du niveau même du sol, sur des racines nouées en ruban ; il ouvre, à intervalles de nœuds réguliers, des feuilles épaisses et bombées du cœur desquelles d’autres rameaux naissent pour s’allonger dans le sens horizontal, ramper en reproduisant de nouvelles feuilles, symbolisation peut-être de la Liane de Vie aujourd’hui inconsciemment retracée par une race qui a conservé la tradition des images ancestrales sans avoir gardé la mémoire de leur sens. L’effet de beauté imposante que parvient