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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/693

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somptuosité donne la douceur de la simplicité et du naturel.

Le dessin est donc géométrique, superposant les angles aigus par gammes. Mais à un examen minutieux on remarque que des motifs végétaux, — capillaire, fougère d’or, — alternent avec les zébrures et que celles-ci mêmes sont les stylisations extrêmes de motifs végétaux : ainsi les angles emboîtés l’un sur l’autre sont celles des feuilles attachées obliquement deux à deux à la tige, diagramme botanique, indiscutablement, car à regarder les lambas divers, on perçoit les phases successives de cette métamorphose de lignes. Parfois la fantaisie leur donne la beauté d’ailes de papillon. La fantaisie est le prélude de l’originalité, et celle-ci est sensible dans ces lambas qui ne sont arabes, persans, indiens ni malais, mais tout cela ensemble dans une fusion soyeuse et grandiose où les motifs des arts divers de ces peuples s’étagent avec le sens architectural que nous retrouvons dans ces étoffes après en avoir été étonné partout ailleurs.

De peinture malgache, on ne connaît encore que les décorations d’anciennes villas dans la campagne de l’Emyrue, et celles du Palais qu’a élevé Radama et où siège aujourd’hui l’Académie malgache : longues fresques de la guerre et de la paix où défilent des régimens en manœuvre, des esclaves reliés par une chaîne d’argent, des chœurs de musiciens dansans, des théories de danseuses chantantes, et la foule malgache réjouie de ses lambas clairs et rayés. L’artiste y atteste, avec un goût varié du mouvement et des gestes, un sens délié des nuances toujours finement appariées à celles qu’offre la nature sur ses fruits, ses fleurs et ses feuillages, tandis que, par une subtile invention, son dessin donne aux jupes des formes évasées de fleurs de datura, aux lambas des plis de feuilles de bananier, aux écharpes des mouvemens de palmes. C’est la souplesse ondueuse, un sens ingénu des analogies qui dominent dans la peinture malgache.


La sculpture à Madagascar n’a aucune signification religieuse : elle est née du plaisir instinctif de l’homme, pendant sa longue oisiveté, à imiter dans la terre et dans le bois la forme des choses dont son œil embrassait les contours avec une agréable facilité. L’homme sculpte pour s’amuser lui-même : aussi bien ce qu’il réalise dépasse-t-il rarement la proportion et l’intention d’un jouet. Au reste ce peuple, qui adore les enfans, excelle-t-il aux jouets, les plus jolis, ingénieux, amusans et spirituels.