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Contrairement à ce qui a été écrit par les arabisans, la représentation humaine en sculpture est pratiquée par la plupart des peuplades malgaches. Le Betsimisaraka pétrit dans l’argile des masques d’une intensité de vie impressionnante où la barbe est remplacée par des plumes de volailles enfoncées de telle sorte que les tubes figurent des dents ; le Betsileo taille dans un bois qu’il vernit ensuite des statuettes aux yeux dilatés, aux grosses joues, aux lèvres fortement avancées : vêtues d’un lamba de coutil, coiffées du bonnet de paille à la tanala ou des boules de cheveux à la bara, elles présentent solennellement en mains les insignes des différens métiers, angady du cultivateur, hachette du défricheur, couteau du boucher, fusil.

Précisément, ce qui devrait ruiner entièrement l’hypothèse de l’influence sémitique, c’est la présence de sculptures d’animaux et d’hommes chez les peuplades comme les Sakalaves, qui, de tout Madagascar, ont été le plus profondément pénétrés de civilisation, voire de race arabes. Comme l’islamisme, l’art arabe n’a touché que superficiellement les Malgaches. Race turbulente et guerrière qui ne sait respecter la chasteté que dans ses danses, le Sakalave n’érige dans le bois l’homme et la femme que pour en détailler les caractères sexuels. De ces statuettes où sa sensualité exprime la force de la vie dans ses corps-à-corps amoureux, il orne les angles des tombeaux pour y signifier la fécondité, la postérité, la survie. Ainsi le talent particulier au Sakalave est de savoir adapter la sculpture au monument ; ses statuettes se distinguent toujours par leur élancement et, à les voir, on les imagine aisément soutenant en piliers des frises où seraient taillés en ronde bosse, comme sur les barreaux des enclos mortuaires, des maisons, des bœufs, des chevaux, des oiseaux, des tortues, des caïmans. Le Sakalave n’aime pas la statuette isolée, mais ornant un objet et incorporée à son volume. Tout est orné chez cette race, la plus artiste en plastique de Madagascar peut-être parce qu’elle est la plus richement mélangée d’élémens divers. Sur les rames de bois que les manches triangulaires font ressembler à des épées, les rudes épées à tailler l’eau, sont posés des porcs voûtés et grognons, un homme barrant la route à un bœuf, un paysan qui pousse devant lui son zébu, toutes images rappelant à l’homme de mer les choses de la terre comme pour lui donner le plaisir de la vie intégrale. Le long de ces avirons, qui agitent le monde des couches d’eau,