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primitifs, sous le ciel austral où les vaquois pointent leurs lames aiguës, sont d’une étrange beauté par la vie que, grâce aux sculptures naturelles, débris du squelette animal, que sont les cornes, prennent les quartiers de pierre, débris eux-mêmes de l’ossature terrestre. Il y a là un art très simple d’utiliser et d’associer les ruines géologiques pour décorer l’emplacement de la mort qui révèle une imagination âprement sensible aux aspects des choses. De même, dans un enclos rectangulaire de poutres, les tombeaux sakalaves contiennent des entassemens de granits aux angles desquels ils érigent des pieux surmontés de statuettes d’hommes accouplés et d’oiseaux accolés bec à bec. Tout autour se poursuit une frise de bois où défilent les images de ce qui a pris place dans la vie de l’homme : la case, les animaux qu’il a chassés, élevés, mangés ; on dirait que sur l’inertie de la mort l’homme belliqueux a l’impulsion de prendre une revanche en entourant le disparu de la représentation de ce qui composait l’existence, en créant à son tour une sorte de vie artificielle. Les tombeaux sakalaves ont une originalité hardie par la bizarre animation décorative de ces statuettes qui, isolées en pleine nature parmi des arbres, offrent comme le musée en réduction de l’existence humaine et touchent l’âme par la proportion de jouets à laquelle la mort a réduit l’ensemble de la vie de l’homme.

D’une façon générale, la conformation du tombeau malgache dépend directement de la conception de l’autre vie que se font les indigènes. Or, selon la tradition madécasse, après le décès, l’être se dédouble : de son corps se détache une ombre qui continue à vivre une existence de gestes en tous points semblables à ceux de la terre. Mais, pour que cette existence d’ombre puisse se développer librement, il faut que le corps soit conservé et entouré des ustensiles familiers. Pour que l’ombre du trépassé puisse, par exemple, dans l’ombre d’une case, allumer l’ombre du bois sur l’ombre d’un foyer, il est indispensable qu’il y ait autour du cadavre, sous un toit véritable, les quatre pierres réelles d’un foyer et de vrais fagots. Primitivement, la demeure mortuaire doit contenir un ameublement complet, les vêtemens du défunt, ses objets de prédilection, des nattes, du riz, un pilon, un mortier. C’est ainsi que les peuples plus industrieux à se bâtir des cases élèvent aux morts de vraies maisons. Les Malgaches du littoral en construisent qu’ils exhaussent sur pilotis, qu’ils entourent de palissades, et où ils laissent jusqu’à des